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IGNORANCES STUPIDES ET MÉPRISES FUNESTES. 191

très il n'en fait qu'un ; ici on va à dame, là on n'y va pas. Mais dans chaque pays tous les joueurs se soumettent à la loi établie.

Je lui réponds : Cela est fort bien quand il ne s'agit que de jouer. Je joue mon bien en Hollande, en le plaçant à deux et demi pour cent; en France, j'en aurai cinq. Certaines denrées payeront plus de droits en Angleterre qu'en Espagne. Ce sont là véritablement des jeux dont les règles sont arbitraires. Mais il y a des jeux où il va de la liberté, de l'honneur, et de la vie.

Celui qui voudrait calculer les malheurs attachés à l'admi- nistration vicieuse serait obligé de faire l'histoire du genre humain. Il résulte de tout ceci que, si les hommes se trompent en physique, ils se trompent encore plus en morale, et que nous sommes livrés à l'ignorance et au malheur dans une vie qui, tout bien calculé, n'a pas, l'un portant l'autre, trois ans de sen- sations agréables.

Mais quoi! nous répondra un homme à routine, était-on mieux du temps des Goths, des Huns, des Vandales, des Francs, et du grand schisme d'occident ?

Je réponds que nous étions beaucoup plus mal. Mais je dis que les hommes qui sont aujourd'hui à la tête des gouverne- ments étant beaucoup plus instruits qu'on ne l'était alors, il est honteux que la société ne se soit pas perfectionnée en proportion des lumières acquises. Je dis que ces lumières ne sont encore qu'un crépuscule. Nous sortons d'une nuit profonde, et nous attendons le grand jour.

��FIN DES SINGULARITES DE LA NATURE.

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