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DU FEU ÉLÉMENTAIRE ET DE LA LUMIÈRE. 179

est d'une nécessité absolue que les rayons verts et les rayons rouges se traversent. Or comment peuvent-ils se traverser sans se pénétrer? On a proposé cette difficulté à plusieurs philosophes, aucun n'y a jamais répondu.

Il est vrai que Ton a prétendu que la flamme pèse; mais n'a- t-on pas confondu quelquefois les corpuscules joints à la flamme avec la flamme elle-même ?

Qui ne connaît ces expériences par lesquelles le plomb calciné pèse plus, étant réduit en chaux, qu'auparavant? L'on a soupçonné que cette addition de poids était l'effet seul du feu introduit dans le plomb ; mais n'est-il pas plus vraisemblable qu'une partie de l'air de l'atmosphère raréfiée se soit unie avec ce métal en fusion, et en ait fait ainsi augmenter le poids ^F

Ce feu nécessaire à tous les corps, et qui leur donne la vie, peut-il être de la nature de ces corps mêmes ; et n'est-il pas bien probable que le vivifiant a quelque chose au-dessus du vivifié?

Conçoit-on bien qu'un être qui se meut 1,600,000 fois plus vite qu'un boulet de canon dans notre atmosphère, et dont la vitesse est peut-être incomparablement plus rapide dans l'espace non résistant, soit ce que nous appelons matière?

N'est-on pas obligé d'avouer aujourd'hui, avec Muschenbroeck, « qu'il n'y a rien qui nous soit moins connu que la cause de l'émanation de la lumière? Il faut avouer que l'esprit humain ne saurait jamais concevoir un phénomène si surprenant ».

Ce feu élémentaire n'est-il pas un principe de l'électricité, puisque au même instant, au même clin d'œil, le coup électri- que se fait sentir à trois cents personnes à la fois rangées à la file ? Le premier est frappé, le dernier sent le coup dans l'instant même. N'est-il pas dans les animaux le principe de la sensation ins- tantanée qui fait que la moindre piqûre, aux extrémités du corps, ébranle, sans aucun intervalle de temps, ce qu'on appelle lesemoriurn? En un mot, cet être agissant si universellement, si singulièrement sur tous les corps, n'est-il pas un être intermé- diaire entre la matière dont il a des propriétés, et d'autres êtres qui touchent encore à d'autres, et qui en diffèrent?

Cette idée que le feu élémentaire est quelque chose qui tient d'un côté à la matière connue, et qui de l'autre s'en éloigne, peut être rejetée, mais ne doit pas être méprisée.

��1. On a depuis prouvé très-bien ce que M. de Voltaire conjecture ici, ce qu'il avait déjà soupçonné un des pi-emiers dans sa pièce sur la Nature et la Propaga- tion du feu. (K.) —Voyez tome XXII, page 289.

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