Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome27.djvu/18

Cette page n’a pas encore été corrigée

10 BANNISSEMENT DES JESUITES

FRÈRE RIGOLET.

Sacrée Majesté, il n"a jamais fait de livre; il ne savait ni lire ni écrire.

l'emperelr.

Ail ! ah 1 voici qui est digne de tout le reste. Un législateur qui n'a jamais écrit aucune loi !

FRÈRE RIGOLET.

Fi donc .' sire, quand un dieu vient se faire pendre, il ne s'amuse pas à de pareilles bagatelles : il fait écrire ses secrétaires. Il y en eut une quarantaine qui prirent la peine, cent ans après, de mettre par écrit toutes ces vérités. Il est vrai qu'ils se contre- disent tous ; mais c'est en cela même que le Térité consiste, et dans ces quarante histoires nous en avons à la fin choisi quatre, qui sont précisément celles qui se contredisent le plus, afin que la vérité paraisse avec plus d'évidence.

Tous ses disciples firent encore plus de miracles que lui; nous en faisons encore tous les jours. Nous avons parmi nous le dieu saint François Xavier, qui ressuscita neuf morts de compte fait dans rinde : personne à la vérité n"a vu ces résurrections; mais nous les avons célébrées d'un bout du monde à l'autre, et nous avons été crus. Croyoz-moi, sire, faites-vous jésuite; et je vous suis caution que nous ferons imprimer la liste de vos miracles avant qiril soit deux ans ; nous ferons un saint de vous, on fêtera votre féto à Rome, et on vous appellera saint Yong-tcliing après votre mort.

l'empereur.

Je ne suis pas pressé, frère Rigolet ; cela pourra venir avec le temps. Tout ce que je demande, c'est que je ne sois pas pendu comme ton dieu l'a été : car il me semble que c'est acheter la divinité un peu cher.

FRÈRE RIGOLET.

Ah! sire, c'est que vous n'avez pas encore la foi ; mais quand vous aurez été baptisé, vous serez enchanté d'être pendu pour l'amour de Jésus-Christ notre sauveur. Quel plaisir vous auriez de le voir à la messe, de lui parler, de le manger!

l'empereur.

Comment, mort de ma vie! vous mangez votre dieu, vous autres ?

frère RIGOLET.

Oui, sire, je le fais et je le mange. J'en ai préparé ce matin quatre douzaines, et je vais vous les chercher tout à l'heure, si Votre Sacrée Majesté l'ordonne.

�� �