Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome27.djvu/161

Cette page n’a pas encore été corrigée

DU FALUN DE TOURAINE ET DE SES COQUILLES. 153

talc, on n'a jamais vu une seule écaille d'huître, mais qu'il y en a quelques-unes de moules, parce que cette mine est entourée d'étangs. Cela seul décide la question contre Bernard Palissy, et détruit tout le merveilleux que Réaumur et ses imitateurs ont voulu y mettre.

Si quelques petits fragments de coquilles, mêlés à la terre marneuse, étaient réellement des coquilles de mer, il faudrait avouer qu'elles sont dans cette falunière depuis des temps recu- lés qui épouvantent l'imagination, et que c'est un des plus anciens monuments des révolutions de notre globe. Mais aussi comment une production enfouie quinze pieds en terre pendant tant de siècles peut-elle avoir l'air si nouveau ? Comment y a-t-on trouvé la coquille d'un limaçon toute fraîche ? Pourquoi la mer n'aurait- elle confié ces coquilles tourangeotes qu'à ce seul petit morceau déterre, et non ailleurs? N'est-il pas de la plus extrême vraisem- blance que ce falun, qu'on avait pris pour un réservoir de petits poissons, n'est précisément qu'une mine de pierre calcaire d'une médiocre étendue ?

D'ailleurs, l'expérience de M. de La Sauvagère S qui a vu des coquillages se former dans une pierre tendre, et qui en rend témoignage avec ses voisins, ne doit-elle pas au moins nous inspirer quelques doutes ?

��frais, aussi brillants, et d'un aussi beau vernis qu'on puisse en trouver sur le bord de la mer de nouvellement formés. Mais, ce qui m'a le plus surpris, c'est d'y voir une coque de limaçon qui paraît être de l'année passée, et trois dents qui ressemblent parfaitement à des dents de brochets. Les curieux qui voudront les venir examiner en jugeront beaucoup mieux que moi.

« Si les petites coquilles mêlées dans ma boite à la terre marneuse sont réel- lement des coquilles de mer, il faut avouer qu'elles sont dans cette falunière depuis des temps reculés qui épouvantent l'imagination, et que c'est un des plus anciens monuments des révolutions de notre globe. Mais aussi, comment une pro- duction enfouie quinze pieds en terre pendant tant de siècles peut-elle avoir l'air si nouveau? Comment y a-t-on trouvé la coquille d'un limaçon à côté de petites univales marines? Ces univalves, dont la dimension n'est pas le quart du petit doigt, paraissent n'avoir pas une date plus ancienne que la coquille du limaçon qui était mêlée avec la terre. L'expérience de M. de La Sauvagère, qui a vu des coquillages semblables se former dans une pierre tendre, et qui en rend témoignage avec ses voisins, ne doit-elle pas au moins nous inspirer quelques doutes sur l'ori- gine de ce falun ?

« Enfin, si ce falun a été produit à la longue dans la mer, ce qui est très-vrai- semblable, elle est donc venue à près de quarante lieues dans un pays plat, et elle n'y a point formé de montagnes. Il n'est donc nullement probable que les montagnes soient des productions de l'Océan. »

Le texte actuel est de 1771, lors de la fusion de ce chapitre et de quelques autres dans les Questions sur l'Encyclopédie, au mot Coquilles. (B.)

1. Voyez page 148.

�� �