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146 CHAPITRE XIII.

à Rome par le mont Cenis chargés de coquilles à leurs bonnets ? Il en venait de Syrie, d’Égypte, de Grèce, comme de Pologne et d’Autriche. Le nombre des romipètes a été mille fois plus considérable que celui des hagi qui ont visité la Mecque et Médine, parce que les chemins de Rome sont plus faciles, et qu’on n’était pas forcé d’aller par caravanes. En un mot, une huître près du mont Cenis ne prouve pas que l’océan Indien ait enveloppé toutes les terres de notre hémisphère.

^ On rencontre quelquefois en fouillant la terre des pétrifications étrangères, comme on rencontre dans l’Autriche des médailles frappées à Rome. Mais, pour une pétrification étrangère, il y en a mille de nos climats.

Quelqu’un a dit² qu’il aimerait autant croire le marbre composé de plumes d’autruche que de croire le porphyre composé de pointes d’oursin. Ce quelqu’un-là avait grande raison, si je ne me trompe.

On découvrit, ou l’on crut découvrir, il y a quelques années, les ossements d’un renne et d’un hippopotame près d’Étampes, et de là on conclut que le Nil et la Laponie avaient été autrefois sur le chemin de Paris à Orléans. Mais on aurait dû plutôt soupçonner qu’un curieux avait eu autrefois dans son cabinet le squelette d’un renne et celui d’un hippopotame. Cent exemples pareils invitent à examiner longtemps avant que de croire.

    CHAPITRE XIII. 

AMAS DE COQUILLES.

Mille endroits sont remplis de mille débris de testacés, de crustacés, de pétrifications. Mais remarquons, encore une fois,

1. Dans l’édition de 1708, on lit:

« La chaîne des montagnes du continent américain n’est pas plus chargée d’huîtres que la nôtre, et la réponse qu’on en trouvera un jour n’est pas une réponse bien satisfaisante.

« Mais il y a des fragments de coquillages à Montmartre, et à Courtagnon auprès de Reims.

« Il y en a partout, excepté sur les montagnes qui devraient en être remplies dans le système de Maillet. Oui, sans doute, on l’a dit, et il faut le redire, on rencontre quelquefois, en fouillant la terre, des pétrifications étrangères, comme on rencontre, etc. »

2. Voltaire lui-même ; voyez tome XXVI, page 408.

3. Ou que le climat permettait autrefois l’existence de ces animaux et de tant d’autres. (D.)