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142 CHAPITRE XI.

la théorie de la terre, page 124 ^ : » Ce sont les eaux rassemblées dans la vaste étendue des mers qui, par le mouvement conti- nuel du flux et du reflux, ont produit les montagnes, les val- lées, etc. »

Mais aussi voici comme il s'exprime, page 359 : « Il y a, sur la surface de la terre, des contrées élevées qui paraissent être des points de partage marqués par la nature pour la distribution des eaux. Les environs du mont Saint-Gothard sont un de ces points en Europe ; un autre point est le pays situé entre les provinces de Belozera et de Vologda en Russie, d'où descendent des rivières, dont les unes vont à la mer Blanche, d'autres à la mer Noire, et d'autres à la mer Caspienne, etc. »

Il enseigne donc ici que cette grande chaîne de montagnes, prolongée d'Espagne en Tartarie, est une pièce essentielle à la machine du monde. Il semble se contredire dans ces deux asser- tions : il ne se contredit pourtant pas : car, en avouant la néces- sité des montagnes pour entretenir la vie des animaux et des végétaux, il suppose que u les eaux du ciel détruisent peu à peu l'ouvrage de la mer, et, ramenant tout au niveau, rendront un jour notre terre à la mer, qui s'en emparera successivement, en laissant à découvert de nouveaux continents, etc. »

Voilà donc, selon lui, notre Europe privée des Alpes et des Pyrénées, et de toutes leurs branches. Mais, eu supposant cette chaîne de montagnes écroulée, dispersée sur notre continent, n'en élèvera-t-elle pas la surface ? Cette surface ne sera-t-elle pas tou- jours au-dessus du niveau de la mer? Comment la mer, en vio- lant les lois de la gravitation et celles des fluides, viendra-t-elle sa placer, chez les Basques, sur les débris des Pyrénées ? Que deviendront les habitants, hommes et animaux, quand l'Océan se sera emparé de l'Europe ? Il faudra donc qu'ils s'embarquent pour aller chercher les terrains que les mers auront abandonnés vers l'Amérique. Car, si l'Océan prend chaque jour quelque chose de nos habitations, il faudra ])ien qu'à la fin nous allions tous demeurer ailleurs. Descendrons-nous dans les profondeurs de l'Océan, qui sont en beaucoup d'endroits de plus de mille pieds ? Mais quelle puissance contraire à la nature commandera aux eaux de quitter ces profondes et immenses vallées pour nous recevoir?

Prenons la chose d'un autre biais. Presque tous les natura- listes sont persuadés aujourd'hui que les dépôts de coquilles au milieu de nos terres sont des monuments du long séjour de

1. Tome V^ de l'Histoire naturelle de Buflon, in-i".

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