Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome27.djvu/136

Cette page n’a pas encore été corrigée

U8 CHAPITRE I.

��CHAPITRE I.

DES PIERRES FIGCRÉES.

Ces pierres, soit agates, soit espèces de marbres et de cailloux, sont fort communes : on les appelle dendrites, quand elles repré- sentent des arbres ; herboristes ou arborisées, lorsqu'elles ne figu- rent que de petites plantes; zoomorphites, quand le jeu de la na- ture leur a imprimé la ressemblance imparfaite de quelques animaux. On pourrait nommer domatistcs celles qui représentent des maisons. Il y en a quelques-unes de cette espèce très-éton- nantes. J'en ai vu une sur laquelle on discernait un arbre chargé de fruits, et une face d'homme très-mal dessinée, mais recon- naissable.

Il est clair que ce n'est ni un arbre ni une maison qui a laissé l'empreinte de son image sur ces petites pierres dans le temps quelles pouvaient avoir de la mollesse et de la fluidité. Il est évi- dent quun homme n'a pas laissé son visage sur une agate. Cela seul démontre que la nature exerce, dans le genre des fossiles comme dans les autres, un empire dont nous ne pouvons révo- quer en doute la puissance, ni démêler les ressorts.

Dire qu'on a vu sur ces dendrites des empreintes de feuilles d'arbres qui ne croissent qu'aux Indes, n'est-ce pas avancer une chose peu prouvée^ ? Une telle fiction n'est-elle pas la suite du roman imaginé par quelques-uns que la mer des Indes est venue autrefois en Allemagne, dans les Gaules et dans l'Espagne ? Les Huns et les Goths y sont bien venus : oui ; mais la mer ne voyage pas comme les hommes. Elle gravite éternellement vers le centre du globe. Elle obéit aux lois de la nature, et quand elle aurait fait ce voyage, comment aurait-elle apporté des feuilles des Indes pour les déposer sur des agates de Bohême ? Nous commençons par cette observation, parce qu'elle nous servira plus qu'aucune autre à nous défier de l'opinion que les petits poissons des mers les plus éloignées sont venus habiter les carrières de Montmartre

1. Il y a des dendrites qui sont véritablement des empreintes de plantes ; d'autres sont produites par des parties métalliques déposées sur ces pierres ou dans leur intériem": d'autres sont formées par des bulles d'air. Quant au pays des plantes qui ont produit ces impressions, on doit être très-réservé à en décider : la plupart n'ont point de caractères spécifiques bien certains, et nous ne connaissons point toutes les espèces de nos climats. Les botanistes font chaque année des découvertes en ce genre. (K.)

�� �