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108 REMONTRANCES

nous comme dos factieux. Louis XIV d'une main saisissait Avi- gnon, et nous faisait rouer de l'autre.

Voilà pourquoi des chrétiens catholiques ont fait mourir tant de pasteurs protestants : c'est le cas, notre ami, de vous dire : « Ce n'est pas le tout d'être roué, il faut encore être poli. »

Nous demandons pardon au Seigneur de répéter ce mauvais quolibet ; mais, en vérité, il ne convient que trop à notre triste situation, et à votre libelle diffamatoire. Ne voyez-vous pas que vous justifiez en quelque sorte nos cruels persécuteurs ? Ils diront : Nous ne pendons, nous ne rouons que des brouillons insolents qui troublent la société. Vous attaquez vos sauveurs, ceux qui ont prêché la tolérance; ne voyez-vous pas qu'ils n'ont pu obtenir cette tolérance pour les calvinistes paisibles sans ins- pirer l'indifférence pour les dogmes, et qu'on nous pendrait encore si cette indifférence n'était pas établie? Remercions nos bienfaiteurs, ne les outrageons pas.

Vous avez de l'esprit, vous ne manquez pas d'éloquence ; mais malheureusement vous joignez à d'insipides railleries un style violent et emporté qui ne convient nullement à un prêtre à qui nous avons imposé les mains; et nous craignons pour vous que, si jamais vous revenez en France, vous ne trouviez, dans la foule de ceux que vous outragez si indignement, des gens qui auront les mains plus lourdes que nous.

De quoi vous avisez-vous, page 148, de dire que « tous les pré- posés aux finances (sans faire la moindre exception) sont des sangsues du peuple, des fripons, qui semblent n'avoir en dépôt la puissance du souverain que pour la rendre détestable»? Quoi! notre malheureux frère, le chancelier de l'échiquier, les gardes des rôles, sont des coquins suivant vous? Les chambres des fi- nances de tous les États, le contrôleur général, et les intendants de France, méritent la corde ? Vous osez ajouter « qu'il serait difficile d'ajouter à la haine et au mépris que les parlements et les peuples ont pour eux ».

C'est donc ainsi que vous voulez justifier ces paroles ^ : « Que celui qui n'écoute pas l'assemblée soit regardé comme un païen et un i)ublicain. » Vous ne défendez la religion chrétienne que par des discours qui vous attireraient le pilori. A-t-on jamais vu une insolence si brutale et si punissable? et quel est l'homme qui s'élève ainsi contre un ministère nécessaire à tous les États? Y pensez-vous bien, notre frère ? Avez-vous oublié qui vous êtes?

1. Matthieu, xviii, 17.

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