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AUX ROMAINS.

de ce concile que les siéges épiscopaux participèrent à la dignité des villes dans lesquelles ils étaient situés. Les évêques des deux villes impériales, Rome et Constantinople, furent déclarés les premiers évêques avec des prérogatives égales, par le célèbre vingt-huitième canon.

« Les Pères ont donné avec justice des prérogatives au siége de l’ancienne Rome, comme à une ville régnante, et les cent cinquante évêques du premier concile de Constantinople, très-chéris de Dieu, ont par la même raison attribué les mêmes priviléges à la nouvelle Rome ; ils ont justement jugé que cette ville, où résident l’empire et le sénat, doit lui être égale dans toutes les choses ecclésiastiques. »

Les papes se sont toujours débattus contre l’authenticité de ce canon ; ils l’ont défiguré, ils l’ont tordu de tous les sens. Que firent-ils enfin pour éluder cette égalité, et pour anéantir avec le temps tous les titres de sujétion qui les soumettaient aux empereurs comme tous les autres sujets de l’empire ? Ils forgèrent cette fameuse donation de Constantin, laquelle a été tenue pour si véritable pendant plusieurs siècles que c’était un péché mortel, irrémissible, d’en douter ; et que le coupable encourait, ipso facto, l’excommunication majeure.

C’était une chose bien plaisante que cette donation de Constantin à l’évêque Silvestre.

« Nous avons jugé utile, dit l’empereur, avec tous nos satrapes et tout le peuple romain, de donner aux successeurs de saint Pierre une puissance plus grande que celle de Notre Sérénité. » Ne trouvez-vous pas, Romains, que le mot de satrape est bien placé là ?

C’est avec la même authenticité que Constantin, dans ce beau diplôme, dit « qu’il a mis les apôtres Pierre et Paul dans de grandes châsses d’ambre ; qu’il a bâti les églises de saint Pierre et de saint Paul, et qu’il leur a donné de vastes domaines en Judée, en Grèce, en Thrace, en Asie, etc., pour entretenir le luminaire ; qu’il a donné au pape son palais de Latran, des chambellans, des gardes du corps, et qu’enfin il lui donne en pur don, à lui et à ses successeurs, la ville de Rome, l’Italie, et toutes les provinces d’Occident : le tout pour remercier le pape Silvestre de l’avoir guéri de la ladrerie, et de l’avoir baptisé », quoiqu’il n’ait été baptisé qu’au lit de la mort par Eusèbe, évêque de Nicomédie.

Il n’y eut jamais ni pièce plus ridicule d’un bout à l’autre, ni plus accréditée dans les temps d’ignorance où l’Europe a croupi si longtemps après la chute de votre empire.