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AUX ROMAINS

la main d’un faussaire, qui les fit passer sous des noms révérés des chrétiens.

Je n’insisterai pas beaucoup sur le roman du prétendu pape saint Clément, qui se dit successeur immédiat de saint Pierre ; je remarquerai seulement que Simon[1] Barjone et lui rencontrèrent un vieillard qui leur dit que sa femme l’a fait cocu, et qu’elle a couché avec son valet ; Clément demande au vieillard comment il a su qu’il était cocu ? « Par l’horoscope de ma femme, lui dit le bonhomme ; et encore par mon frère, avec qui ma femme a voulu coucher, et qui n’a point voulu d’elle[2]. » À ce discours, Clément reconnaît son père dans le cocu, et ce même Clément apprend de Pierre qu’il est du sang des Césars. Ô Romains ! c’est donc par de pareils contes que la puissance papale s’est établie.

SEPTIÈME IMPOSTURE PRINCIPALE SUR LE PRÉTENDU PONTIFICAT
DE SIMON BARJONE, SURNOMMÉ PIERRE.

Qui a dit le premier que Simon, ce pauvre pêcheur, était venu de Galilée à Rome, qu’il y avait parlé latin, lui qui ne pouvait savoir que le patois de son pays, et qu’enfin il avait été pape de Rome vingt-cinq ans ? C’est un Syrien nommé Abdias, qui vivait sur la fin du ier siècle, qu’on dit évêque de Babylone (c’est un bon évêché). Il écrivit en syriaque ; nous avons son ouvrage traduit en latin par Jules Africain. Voici ce que cet écrivain sensé raconte ; il a été témoin oculaire ; son témoignage est irréfragable. Écoutez bien.

Simon Barjone Pierre ayant ressuscité la Tabite, ou la Dorcas, couturière des apôtres ; ayant été mis en prison par l’ordre du roi Hérode (quoique alors il n’y eût point de roi Hérode) ; et un ange lui ayant ouvert les portes de la prison (selon la coutume des anges), ce Simon rencontra dans Césarée l’autre Simon de Samarie, surnommé le Magicien, qui faisait aussi des miracles ; là ils commencèrent tous deux à se morguer. Simon le Samaritain s’en alla à Rome auprès de l’empereur Néron ; Simon Barjone ne manqua pas de l’y suivre ; l’empereur les reçut on ne peut pas mieux. Un cousin de l’empereur vint à mourir : aussitôt c’est à qui ressuscitera le défunt ; le Samaritain a l’honneur de commencer la cérémonie ; il invoque Dieu ; le mort donne des signes de vie, et

  1. Récognitions de saint Clément, liv. IX, nos 32, 33. (Note de Voltaire.)
  2. Récognitions de saint Clément, liv. IX, nos 34 et 35. (Id.)