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DE JOSIAS ROSSETTE. g{^3

de l'Euplirate et de Tlndiis, on disait qu'elle viendrait d'Occident. On l'a toujours attendue. Enfin, elle arrive du Nord; elle vient nous éclairer; elle tient le fanatisme enchaîné; elle s'appuie sur la tolérance, qui marche toujours auprès d'elle, suivie de la paix, consolatrice du genre humain.

Il faut que vous sachiez que l'impératrice du Nord a rassemblé dans la grande salle du Kremlin, à Moscou, six cent quarante députés de ses vastes États d'Europe et d'Asie, pour établir une nouvelle législation qui soit également avantageuse à toutes ses provinces. C'est là que le musulman opine à côté du grec, le païen auprès du papiste, et que l'anabaptiste confère avec l'évangélique et le réformé, tous en paix, tous unis par l'humanité, quoique la religion les sépare.

Enfin donc, grâces au ciel, il s'est trouvé un génie supérieur qui, au bout de près de dix-huit siècles, s'est souvenu que tous les hommes sont frères. Déjà un Anglais en France, un Berwick, évêque de Boissons, avait osé dire, dans son célèbre mandement de 1757, que les Turcs sont nos frères S ce que ni Bossuet ni Massillon n'avaient jamais eu le courage de dire. Déjà cent mille voix s'élevaient de tous côtés dans l'Europe en faveur de la tolé- rance universelle; mais aucun souverain ne s'était encore déclaré si ouvertement; aucun n'avait posé cette loi bienfaisante pour la base des lois de l'État; aucun n'avait dit à la tolérance, en pré- sence des nations : Asseyez-vous sur mon trône.

Élevons nos voix pour célébrer ce grand exemple; mais élevons nos cœurs pour en profiter. Vous tous qui m'écoutez, souvenez-vous que vous êtes hommes avant d'être citoyens d'une certaine ville, membres d'une certaine société, professant une certaine religion. Le temps est venu d'agrandir la sphère de nos idées, et d'être citoyens du monde. Que de petites nations ap- prennent donc leur devoir des grandes.

Nous sommes tous de la même religion sans le savoir. Tous les peuples adorent un Dieu, des extrémités du Japon aux ro- chers du mont Atlas : ce sont des enfants qui crient à leur père en différents langages. Cela est si vrai et si avéré que les Chi- nois, en signant la paix avec les Russes, le 8 septembre 1689, la signèrent au nom du même Dieu-. Le marbre qui sert de bornes aux deux empires montre encore aux voyageurs ces paroles gra- vées dans les deux langues : « Nous prions le Dieu seigneur de

��■1. Voyez tome XX, page 524, et XXIV, 280. 2. Voyez tome XVI, page 4-49.

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