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5oG LE DINER DU COMTE

les prêtres lui offrent. (( De quelque multitude énorme de crimes que vous soyez souillé, confessez-vous à moi, et tout vous sera pardonné par les mérites d'un homme qui fut pendu en Judée il y a plusieurs siècles. Plongez-vous, après cela, dans de nouveaux crimes sept fois soixante et sept fois/, et tout vous sera pardonné encore. )> N'est-ce pas là véritablement induire en tentation ? n'est-ce pas aplanir toutes les voies de l'iniquité? La Brinvilliers ne se confessait-elle pas à chaque empoisonnement qu'elle com- mettait? Louis XI autrefois n'en usait-il pas de même?

Les anciens avaient, comme nous, leur confession et leurs expiations; mais on n'était pas expié pour un second crime. On ne pardonnait point deux parricides. Nous avons tout pris des Grecs et des lîomains, et nous avons tout gâté.

Leur enfer était impertinent, je l'avoue; mais nos diables sont plus* sots que leurs furies. Ces furies n'étaient pas elles-mêmes damnées; on les regardait comme les exécutrices, et non comme les victimes des vengeances divines. Être à la fois bourreaux et patients, brûlants et brûlés, comme le sont nos diables, c'est une contradiction absurde, digne de nous, et d'autant plus absurde que la chute des anges, ce fondement du christianisme, ne se trouve ni dans la Gencse, ni dans VÉvcuigile. C'est une ancienne fable des brachmanes.

Enfin, monsieur, tout le monde rit aujourd'hui de votre enfer, parce qu'il est ridicule; mais personne ne rirait d'un Dieu rému- nérateur et vengeur, dont on espérerait le prix de la vertu, dont on craindrait le châtiment du crime, en ignorant l'espèce des châtiments et des récompenses, mais en étant persuadé qu'il y en aura, parce que Dieu est juste.

LE COMTE.

Il me semble que M. Fréret a fait assez entendre comment la religion peut être un frein salutaire. Je veux essayer de vous prouver qu'une religion pure est infiniment plus consolante que la vôtre.

Il y a des douceurs, dites-vous, dans les illusions des âmes dévotes, je le crois; il y en a aussi aux petites-maisons. Mais quels tourments quand ces âmes viennent à s'éclairer! dans quel doute et dans quel désespoir certaines religieuses passent leurs tristes jours! vous en avez été témoin, vous me l'avez dit vous-même : les cloîtres sont le séjour du repentir; mais, chez les hommes

1. Allusion au verset 2i, chap. iv de la Genèse : on lit dans le texte grec septante fois sept.

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