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54G LE DINER DU COMTE

par un Hégésippe. Voilà les fondements de la religion chrétienne. Vous n'y voyez qu'un tissu des plus plates impostures faites par la plus vile canaille, laquelle seule embrassa le christianisme pendant cent années.

C'est une suite non interrompue de faussaires. Ils forgent des lettres de Jésus-Christ, ils forgent des lettres de Pilate^ des lettres de Sénèque, des constitutions apostoliques, des vers des sibylles en acrostiches, des évangiles au nombre de plus de qua- rante, des actes de Barnabe, des liturgies de Pierre, de Jacques, de Matthieu, et de Marc, etc., etc. Vous le savez, monsieur, vous les avez lues, sans doute, ces archives infâmes du mensonge, que vous appelez fraudes pieuses ; et vous n'aurez pas l'honnêteté de convenir, au moins devant vos amis, que le trône du pape n'a été établi que sur d'abominables chimères, pour le malheur du^genre humain ?

l'abbé.

Mais comment la religion chrétienne aurait-elle pu s'élever si haut, si elle n'avait eu pour base que le fanatisme et le men- songe?

LE COMTE.

Et comment le mahométisme s'est-il élevé encore plus haut? Du moins ses mensonges ont été plus nobles, et son fanatisme plus généreux. Du moins Mahomet a écrit et combattu ^ ; et Jésus n'a su ni écrire ni se défendre. Mahomet avait le courage d'Alexandre avec l'esprit de Numa ; et votre Jésus a sué sang et eau^ dès qu'il a été condamné par ses juges. Le mahométisme n'a jamais changé, et vous autres vous avez changé vingt fois toute votre religion. Il y a plus de différence entre ce qu'elle est aujourd'hui et ce qu'elle était dans vos premiers temps, qu'entre vos usages et ceux du roi Dagobert, Misérables chrétiens ; non, vous n'adorez pas votre Jésus, vous lui insultez en substituant vos nouvelles lois aux siennes. Vous vous moquez plus de lui avec vos mystères, vos agnus, vos reliques, vos indulgences, vos béné- fices simples, et votre papauté, que vous ne vous en moquez tous les ans, le 5 janvier, par vos noëls dissolus, dans lesquels vous couvrez de ridicule la vierge Marie, l'ange qui la salue, le pigeon qui l'engrosse, le charpentier qui en est jaloux, et le poupon que

��1. Voyez ces lettres aussi dans la Collection d'anciens évangiles.

2. Le comte de Boulainvilliers, dans sa Vie de Mahomet, avait montré beau- coup de prédilection pour ce prophète guerrier et politique. (Cl.)

3. Luc, XXII, 44.

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