Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome26.djvu/555

Cette page n’a pas encore été corrigée

DE BOULAINVILLIERS. 545

des figues »? Croyez-moi, ces miracles sont tout aussi ridicules que ceux de Moïse. Convenez hautement de ce que vous pensez au fond du cœur.

l'abbé. Madame, un peu de condescendance pour ma robe, s'il vous plaît; laissez-moi faire mon métier : je suis un peu battu peut- être sur les prophéties et sur les miracles ; mais pour les martyrs il est certain qu'il y en a eu ; et Pascal, le patriarche de Port- Royal des Champs, a dit : a Je crois volontiers les histoires dont les témoins se font égorger i. »

M. FRÉRET.

Ah! monsieur, que de mauvaise foi et d'ignorance dans Pascal ! On croirait, à l'entendre, qu'il a vu les interrogatoires des apôtres, et qu'il a été témoin de leur supplice. Mais où a-t-il vu qu'ils aient été suppliciés? Qui lui a dit que Simon Barjone, sur- nommé Pierre, a été crucifié à Rome, la tête en bas? Qui lui a dit que ce Barjone, un misérable pêcheur de Galilée, ait jamais été à Rome, et y ait parlé latin? Hélas! s'il eût été condamné à Rome, si les chrétiens l'avaient su, la première église qu'ils auraient bâtie depuis à l'honneur des saints aurait été Saint-Pierre de Rome, et non pas Saint-Jean de Latran;les papes n'y eussent pas manqué ; leur ambition y eût trouvé un beau prétexte. A quoi est-on réduit quand, pour prouver que ce Pierre Barjone a demeuré à Rome, on est obligé de dire qu'une lettre qu'on lui attribue, datée de Babylone^, était en effet écrite de Rome même? Sur quoi un auteur célèbre a très-bien dit que, moyennant une telle explication, une lettre datée de Pétersbourg devait avoir été écrite à Constantinople.

Vous n'ignorez pas quels sont les imposteurs qui ont parlé de ce voyage de Pierre. C'est un Abdias, qui le premier écrivit que Pierre était venu du lac de Génézareth droit à Rome chez l'empereur, pour faire assaut de miracles contre Simon le Magi- cien ; c'est lui qui fait le conte d'un parent de l'empereur, ressus- cité à moitié par Simon, et entièrement par l'autre Simon Bar- jone ; c'est lui qui met aux prises les deux Simon, dont l'un vole dans les airs et se casse les deux jambes par les prières de l'autre ; c'est lui qui fait l'histoire fameuse des deux dogues envoyés par Simon pour manger Pierre. Tout cela est répété par un Marcel »,

1 . Voyez tome XXII, page 46.

2. P" de saint Pierre, chap. v, v. 13. {Note de Voltaire.)

3. Voyez ci-après la Relation de Marcel, dans la Collection d'anciens évangiles. 26. — MÉLANGES, v. 35

�� �