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§40 LE DINER DU COMTE

juif \ brigand, adultère, et homicide, homme selon le cœur de Dieu ? Ne prêtez-vous pas sur gages à Rome dans vos juiveries, que vous appelez monts de pictè? et ne vendez-vous pas impi- toyablement les gages des pauvres quand ils n'ont pas payé au terme ?

LE COMTE.

Il a raison ; il n'y a qu'une seule chose qui vous manque de la loi juive, c'est un bon jubilé, un vrai jubilé, par lequel les seigneurs rentreraient dans les terres qu'ils vous ont données comme des sots, dans le temps que vous leur persuadiez qu'Élie et l'antechrist allaient venir, que le monde allait finir, et qu'il fallait donner tout son bien à l'Église « pour le remède de son âme, et pour n'être point rangé parmi les boucs ». Ce jubilé vau- drait mieux que celui auquel vous ne nous donnez que des indul- gences plénières; j'y gagnerais, pour ma part, plus de cent mille livres de rentes.

l'abbé.

Je le veux bien, pourvu que sur ces cent mille livres vous me fassiez une grosse pension. Mais pourquoi M. Fréret nous appelle-t-il idolâtres ?

M. FRÉRET.

Pourquoi, monsieur ? demandez-le à saint Christophe, qui est la première chose que vous rencontrez dans votre cathédrale 2, et qui est en même temps le plus vilain monument de barbarie que vous ayez ; demandez-le à sainte Claire, qu'onin voque pour le mal des yeux, et à qui vous avez bâti des temples ; à saint Genou, qui guérit de la goutte ; à saint Janvier ^ dont le sang se liquéfie si solennellement à Naples quand on l'approche de sa tête ; à saint Antoine, qui asperge d'eau bénite les chevaux dans Rome*.

Oseriez-vous nier votre idolâtrie, vous qui adorez du culte de dulie dans mihe églises le lait de la Vierge, le prépuce et le nom- bril de son fils, les épines dont vous dites qu'on lui fit une cou- ronne, le bois pourri sur lequel vous prétendez que l'Être éternel est mort ? vous enfin qui adorez d'un culte de latrie un morceau de pâte que vous enfermez dans une boite, de peur des souris ?

i. David ; voyez II, Rois, chap. xi et xii.

2. Il y avait à Paris, dans l'église cathédrale, une énorme statue qu'on disait être celle de saint Christophe.

3. Voyez tome XIII, pages 96-97.

4. Voyage de Misson, tome II, page 294; c'est un fait public. {Note de Vol- taire.)

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