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LA DÉFENSE
DE MON MAÎTRE[1]
(15 décembre 1767)

Mon maître, outre plusieurs lettres anonymes, a reçu deux lettres outrageantes et calomnieuses, signées Cogé, licencié en théologie, et professeur de rhétorique au collége Mazarin. Mon maître, âgé de soixante et quatorze ans, et achevant ses jours dans la plus profonde retraite, ne savait pas, il y a quelques mois, s’il y avait un tel homme au monde. Il peut être licencié ; et ses procédés son assurément d’une grande licence. Il écrit des injures à mon maître ; il dit que mon maître est l’auteur d’une Honnêteté théologique[2]. Mon maître sait quelles malhonnêtetés théologiques on a faites à M. Marmontel, qui est son ami depuis vingt ans[3] ; mais il n’a jamais fait d’Honnêteté théologique. Il ne conçoit pas même comment ces deux mots peuvent se trouver ensemble. Quiconque dit que mon maître a fait une pareille honnêteté est un malhonnête homme et en a menti. On est accoutumé à de pareilles impostures. Mon maître n’a pas même lu cet ouvrage, et n’en a jamais entendu parler. Il a lu Bélisaire, et il l’a admiré avec toute l’Europe. Il a lu les plats libelles du sieur Cogé contre Bélisaire, et, ne

  1. Cet écrit, recueilli par Grimm dans sa Correspondance, en janvier 1768 est probablement la réponse dont Voltaire parle dans sa lettre à Damilaville du 14 décembre 1767. C’est M. Clogenson qui, en 1823, l’a le premier admis dans les Œuvres de Voltaire, Grimm l’a imprimé sous ce titre : la Défense de mon maître ; Clogenson et Beuchot sous celui de : Réponse catégorique au sieur Cogé.
  2. L’abbé Morellet croyait que l’Honnêteté théologique était de Voltaire. Mais Grimm (Correspondance, décembre 1768) dit que Damilaville, qui en est l’auteur l’attribua à Voltaire, qui paraît l’avoir rebouisée. (B.)
  3. C’est à la fin de 1745 que Voltaire avait personnellement connu Marmontel, qui, depuis 1743, était en correspondance avec lui ; mais le billet le plus ancien de Voltaire qui soit conservé est de novembre ou décembre 1745.