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526 LETTRE SUR SPINOSA.

répondu à toutes vos questions, depuis ce bouffon savant de Rabelais jusqu'au téméraire métaphysicien Spinosa.

J'aurais pu joindre à cette liste une foule de petits livres qui ne sont guère connus que des bibliothécaires ; mais j'ai craint qu'en multipliant le nombre des coupables, je ne parusse dimi- nuer l'iniquité. J'espère que le peu que j'ai dit affermira Votre Altesse dans ses sentiments pour nos dogmes et pour nos Écri- tures, quand elle verra qu'elles n'ont été combattues que par des stoïciens entêtés, par des savants enflés de leur science, par des gens du monde qui ne connaissent que leur vaine raison, par des plaisants qui prennent des bons mots pour des ai-guments, par des théologiens enfin qui, au lieu de marcher dans les voies de Dieu, se sont égarés dans leurs propres voies.

Encore une fois, ce qui doit consoler une âme aussi noble^ que ♦la vôtre, c'est que le théisme, qui perd aujourd'hui tant d'àmes, ne peut jamais nuire ni à la paix des États, ni à la dou- ceur de la société, La controverse a fait couler partout le sang, et le théisme l'a étanché. C'est un mauvais remède, je l'avoue; mais il a guéri les plus cruelles blessures. Il est excellent pour cette vie, s'il est détestable pour l'autre. Il damne sûrement son homme, mais il le rend paisible.

Votre pays a été autrefois en feu pour des arguments, le théisme y a porté la concorde. Il est clair que si Poltrot, Jacques Clément, Jaurigny, Balthazar Gérard, Jean Chastel, Damiens, le' jésuite Malagrida, etc, etc., etc., avaient été des théistes, il y aurait eu moins de princes assassinés,

A Dieu ne plaise que je veuille préférer le théisme à la sainte religion des Ravaillac, des Damiens, des Malagrida, qu'ils ont méconnue et outragée ! Je dis seulement qu'il est plus agréable de vivre avec des théistes qu'avec des Ravaillac et des Brinvilliers qui vont à confesse; et si Votre Altesse n'est pas de mon avis, j'ai tort.

��FIN DES LETTRES A S, A. LE PRINCE DE

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