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SUR LES FRANÇAIS. 497

sermons, en le traitant d'athée et d'homme ahominahle, en ex- citant contre hii toutes leurs dévotes.

Un jésuite plus dangereux, nommé Voisin, qui n'écrivait ni ne prêchait, mais qui avait un grand crédit auprès du cardinal de La Rochefoucauld, intenta un procès criminel à Théophile, et suborna contre lui un jeune débauché nommé Sajeot, qui avait été son écolier, et qui passait pour avoir servi à ses plaisirs in- fâmes, ce que l'accusé lui reprocha à la confrontation. Enfin le jésuite Voisin obtint, parla faveur du jésuite Caussin, confesseur du roi, un décret de prise de corps contre Théophile sur l'accu- sation d'impiété et d'athéisme. Le malheureux prit la fuite, on lui fit son procès par contumace, il fut brûlé en effigie en 1621. Qui croirait que la rage des jésuites n'était pas encore assouvie? Voisin paya un lieutenant de la connétal)lie, nommé Le Blanc, pour l'arrêter dans le lieu de sa retraite en Picardie. On l'enferma chargé de fers dans un cachot, aux acclamations de la populace à qui Le Blanc criait : « C'est un athée que nous allons brûler. » De là on le mena à Paris, à la Conciergerie, où il fut mis dans le cachot de Ravaillac. Il y resta une année entière, pendant laquelle jes jésuites prolongèrent son procès pour chercher contre lui des preuves.

Pendant qu'il était dans les fers, Garasse publiait sa Doctrine curieuse, dans laquelle il dit que Pasquier, le cardinal Wolsey, Scaliger, Luther, Calvin, Bèze, le roi d'Angleterre, le landgrave de Hesse, et Théophile, sont des bélîtres d'athéistes et de carpo- cratiens. Ce Garasse écrivait dans son temps comme le misérable ex-jésuite Nonotte a écrit dans le sien : la différence est que l'in- solence de Garasse était fondée sur le crédit qu'avaient alors les jésuites, et que la fureur de l'absurde Nonotte e^t le fruit de l'horreur et du mépris où les jésuites sont tombés dans l'Europe; c'est le serpent qui veut mordre encore quand il a été coupé en tronçons. Théophile fut surtout interrogé sur le Parnasse sati- rique, recueil d'impudicités dans le goût de Pétrone, de Martial, de Catulle, d'Ausone. de l'archevêque de Bénévent La Casa, de l'évêque d'Angoulême Octavien de Saint-Gelais, et de Melin de Saint-Gelais son fils, de l'Arétin, de Chorier, de Marot, de Verville, des épigrammes de Rousseau, et de cent autres sottises licen- cieuses. Cet ouvrage n'était pas de Théophile. Le libraire avait ras- semblé tout ce qu'il avait pu de Maynard, de Colletet, deFrénicle, magistrat, et depuis de l'Académie des sciences, et de quelques seigneurs de la cour. Il fut avéré que Théophile n'avait point de part à cette édition, contre laquelle lui-même avait présenté

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