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SUR LES ALLEMANDS. 493

Vous verrez bientôt, monseigneur, que Fontenelle, qui parlait ainsi, avait essuyé des imputations non moins graves.

Wolff 1, le disciple de Leibnitz, a été exposé à un plus grand danger : il enseignait les mathématiques dans l'Université de Hall avec un succès prodigieux. Le professeur théologien Lange, qui gelait de froid dans la solitude de son école, tandis que Wolff avait cinq cents auditeurs, s'en vengea en dénonçant Wolff comme un athée. Le feu roi de Prusse Frédéric-Guillaume, qui s'entendait mieux à exercer ses troupes qu'aux disputes des savants, crut Lange trop aisément : il donna le choix à Wolff de sortir de ses États dans vingt-quatre heures, ou d'être pendu. Le philosophe résolut sur-le-champ le problème en se retirant à Marbourg, où ses écoliers le suivirent, et où sa gloire et sa fortune augmentèrent. La ville de Hall perdit alors plus de quatre cent mille florins par an, que Wolff lui valait par Taffluence de ses disciples: le revenu du roi en souffrit, et l'injustice faite au philosophe ne retomba que sur le monarque. Vous savez, monseigneur, avec quelle équité et quelle grandeur dame le successeur de ce prince- ré- para l'erreur dans laquelle on avait entraîné son père.

n est dit à l'article Wolff, dans un dictionnaire, que Charles- Frédéric, philosophe couronné, ami de Wolff, l'élevaà la dignité de vice-chancelier de l'Université de l'électeur de Bavière, et de baron de l'empire ^ Le roi dont il est parlé dans cet article est en effet un philosophe, un savant, un très-grand génie, ainsi qu'un très-grand capitaine sur le trône ; mais il ne s'appelle point Charles : il n'y a point dans ses États d'université appartenante à l'électeur de Bavière ; l'empereur seul fait des barons de l'em- pire. Ces petites fautes, qui sont trop fréquentes dans tous les dictionnaires, peuvent être aisément corrigées.

Depuis ce temps, la liberté de penser a fait des progrès éton- nants dans tout le nord de l'Allemagne. Cette liberté même a été portée à un tel excès qu'on a imprimé, en 1766, un Abrégé de l'histoire ecclésiastique de Fleury avec une Préface d'un style élo- quent, qui commence par ces paroles :

« L'établissement de la religion chrétienne a eu, comme tous les empires, de faibles commencements. Un Juif de la lie du peuple, dont la naissance est douteuse, qui mêle aux absurdités

1. Voltaire a déjà parlé longuement de Wolff et de Lange dans son Dictionnaire philosophique; voyez tome XVIII, page loG.

2. Frédéric le Grand.

3. Cela se trouve à la page 770 du tome IV du Dictionnaire historique (de Bar- rai et Guibaud), dont il est parlé tome XVIil, page 351.

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