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454 ESSAI SUR LES DISSENSIONS

usurpation respectable aux peuples. Il se fit sacrer à Saint-Denis en France par ce même pape Etienne ; en récompense, cet usur- pateur lui donna dans la Romagnc quelques domaines aux dépens des usurpateurs lombards.

Voilà le premier évêque devenu prince. On conviendra sans peine que cette grandeur n'est pas des temps apostoliques. Aussi fut-elle signalée par le meurtre et par le carnage, peu de temps après, sous le pape Etienne III. Le clergé romain, partagé en deux partis, inonda de sang la chaire de bois dans laquelle on prétend que saint Pierre avait prêché au peuple romain. Il est vrai qu'il n'est pas plus vraisemblable que, du temps de l'empereur Tibère, un Galiléen ait prêché en chaire dans le foi'um romanum qu'il n'est vraisemblable qu'un Grec vînt prêcher aujourd'hui dans le grand bazar de Stamboul. Mais enfin il y avail à Rome, du temps d'Etienne ÏII, une chaire de bois, et elle fut entourée de cadavres sanglants.

Lorsque Charlemagne partit de la Germanie pour usurper la Lombardie; lorsqu'il eut privé ses neveux de l'héritage de leur père Pépin; lorsqu'il eut enfermé en prison ses enfants innocents, dont on n'entendit plus parler depuis; lorsque ses succès eurent couronné ce crime; lorsqu'il se fut fait reconnaître empereur dans Eome, il donna encore de nouvelles seigneuries au pape Léon III, qui lui mit dans l'église de Saint-Pierre une couronne d'or sur la tête, et un manteau de pourpre sur les épaules.

Cependant remarquons que ce pape Léon III, encore sujet des empereurs résidants à Constantinople, n'osa pas sacrer un Alle- mand, tant ce vieux .respect pour l'empire romain prévalait en- core. Ce n'était qu'une cérémonie de plus; mais elle était réputée sainte, et on n'osait la faire. La faiblesse se joignait à l'audace de l'esprit, qui souvent n'ose franchir la seconde barrière après avoir abattu la première.

Charlemagne fut toujours le maître dans Rome; mais, dans la décadence de sa maison, le peuple romain reprit un peu sa liberté, et la disputa toujours contre l'évêque, contre la maison de Toscanelle, contre les Gui de Spolette, contre les Eéranger, et d'autres tyrans, jusqu'à ce qu'enfin l'imprudent Octavien Sporco, qui le premier changea son nom à son avènement au pontificat, appela Othon de Saxe en Italie. Ce Sporco est connu sous le nom de Jean XII. Il était fils de cette fameuse Marozie qui avait fait pape son bâtard Jean XI, né de son inceste avec le pape Ser- gius III.

Jean XII était patrice de Rome, ainsi qu'Albéric son père, der-

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