Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome26.djvu/447

Cette page a été validée par deux contributeurs.
437
À WARBURTON.

avaient conçue contre toutes les nations. Dis-moi si on égorge les pères et les mères, les fils et les filles, les enfants à la mamelle, et les animaux même sans haïr ? Tu hais, tu calomnies ; on te déteste dans ton pays, et tu détestes ; mais si tu avais trempé dans le sang tes mains qui dégouttent de fiel et d’encre, oserais-tu dire que tu aurais assassiné sans colère et sans haine ? Relis tous les passages où il est ordonné aux Juifs de ne pas laisser une âme en vie, et dis, si tu en as le front, qu’il ne leur était pas permis de haïr. Est-il possible qu’un cœur tel que le tien se trompe si grossièrement sur la haine ? C’est un usurier qui ne sait pas compter.

Quoi ! ordonner qu’on ne mange pas dans le plat dont un étranger s’est servi, de ne pas toucher ses habits, ce n’est pas ordonner l’aversion pour les étrangers ?

On me dira qu’il y a beaucoup d’honnêtes gens qui, sans te montrer de colère, ne veulent pas dîner avec toi, par la seule raison que ton pédantisme les ennuie, et que ton insolence les révolte ; mais sois sûr qu’ils te haïssent, toi et tous les pédants barbares qui te ressemblent.

Les Juifs, dis-tu, ne haïssent que l’idolâtrie, et non les idolâtres : plaisante distinction !

Un jour, un tigre rassasié de carnage rencontra des brebis qui prirent la fuite ; il courut après elles, et leur dit : « Mes enfants, vous vous imaginez que je ne vous aime point, vous avez tort : c’est votre bêlement que je hais ; mais j’ai du goût pour vos personnes, et je vous chéris au point que je ne veux faire qu’une chair avec vous : je m’unis à vous par la chair et le sang ; je bois l’un, je mange l’autre pour vous incorporer à moi. Jugez si l’on peut aimer plus intimement. »

Bonsoir, Warburton.

fin.