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CHAPITRE XXI.

quoi le dieu Melchom s’est-il emparé du pays de Gad ? » Et on en conclut que les Juifs avouaient la divinité du dieu Melchom.

Le même Jérémie dit au chapitre vii[1], en faisant parler Dieu aux Juifs : « Je n’ai point ordonné à vos pères, au jour que je les tirai d’Égypte, de m’offrir des holocaustes et des victimes. »

6° Isaïe se plaint, au chapitre lvii[2], que les Juifs adoraient plusieurs dieux. « Vous cherchez votre consolation dans vos dieux au milieu des bocages ; vous leur sacrifiez de petits enfants dans des torrents, sous de grandes pierres. » Il n’est pas vraisemblable, dit-on, que les Juifs eussent immolé leurs enfants à des dieux dans des torrents sous de grandes pierres, s’ils avaient eu alors leur loi, qui leur défend de sacrifier aux dieux.

7° On cite encore en preuve le prophète Amos, qui assure, au chapitre v[3] que jamais les Juifs n’ont sacrifié au Seigneur pendant quarante ans dans le désert ; « au contraire, dit Amos, vous y avez porté le tabernacle de votre dieu Moloch, les images de vos idoles, et l’étoile de votre dieu (Remphan) ».

8° C’était, dit-on, une opinion si constante que saint Étienne, le premier martyr, dit au chapitre vii des Actes des apôtres[4] que les Juifs, dans le désert, adoraient la milice du ciel, c’est-à-dire les étoiles, et qu’ils portèrent le tabernacle de Moloch et l’astre du dieu Remphan pour les adorer.

Des savants, tels que MM. Maillet et Dumarsais, ont conclu des recherches de l’abbé de Tilladet que les Juifs ne commencèrent à former leur religion, telle qu’ils l’ont encore aujourd’hui, qu’au retour de la captivité de Babylone. Ils s’obstinent dans l’idée que ces Juifs, si longtemps esclaves et si longtemps privés d’une religion bien nettement reconnue, ne pouvaient être que les descendants d’une troupe de voleurs sans mœurs et sans lois. Cette opinion paraît d’autant plus vraisemblable que le temps auquel le roi d’Éthiopie et d’Égypte Actisan bannit dans le désert une troupe de brigands, qu’il avait fait mutiler, se rapporte au temps auquel on place la fuite des Israélites conduits par Moïse : car Flavien Josèphe dit que Moïse fit la guerre aux Éthiopiens, et ce que Josèphe appelle guerre pouvait très-bien être réputé brigandage par les historiens d’Égypte.

Ce qui achève d’éblouir ces savants, c’est la conformité qu’ils trouvent entre les mœurs des Israélites et celles d’un peuple de voleurs, ne se souvenant pas assez que Dieu lui-même dirigeait

  1. 22.
  2. 5.
  3. 25, 26.
  4. Versets 42, 43.