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DES PRÊTRES D’ÉGYPTE.

lisait dans Rollin que Xerxès avait fait donner trois cents coups de fouet à la mer ; qu’il avait fait jeter dans l’Hellespont une paire de menottes pour l’enchaîner ; qu’il avait écrit une lettre menaçante au mont Athos, et qu’enfin, lorsqu’il arriva au pas des Thermopyles, où deux hommes de front ne peuvent passer, il était suivi de cinq millions deux cent quatre-vingt-trois mille deux cent vingt personnes, comme le dit le véridique et exact Hérodote.

Mon oncle disait toujours : « Serrez, serrez, » en lisant ces contes de ma mère l’oie. Il disait : « Hérodote a bien fait d’amuser et de flatter des Grecs par ces romans, et Rollin a mal fait de ne les pas réduire à leur juste valeur, en écrivant pour des Français du xviiie siècle. »



CHAPITRE X.
des prêtres, ou prophètes, ou schoen d’égypte.

Oui, barbare, les prêtres d’Égypte s’appelaient schoen, et la Genèse ne leur donne pas d’autre nom ; la Vulgate même rend ce nom par sacerdos. Mais qu’importe les noms ? Si tu avais su profiter de la Philosophie de mon oncle, tu aurais recherché quelles étaient les fonctions de ces schoen, leurs sciences, leurs impostures ; tu aurais tâché d’apprendre si un schoen était toujours, en Égypte, un homme constitué en dignité, comme parmi nous un évêque, et même un archidiacre ; ou si quelquefois on s’arrogeait le titre de schoen comme on s’appelle parmi nous monsieur l’abbé, sans avoir d’abbaye ; si un schoen, pour avoir été précepteur d’un grand seigneur[1] et pour être nourri dans la maison, avait le droit d’attaquer impunément les vivants et les morts, et d’écrire sans esprit contre des Égyptiens qui passaient pour en avoir.

Je ne doute pas qu’il n’y ait eu des schoen fort savants, par exemple ceux qui firent assaut de prodiges avec Moïse, qui changèrent toutes les eaux de l’Égypte en sang, qui couvrirent tout le pays de grenouilles, qui firent naître jusqu’à des poux, mais qui ne purent les chasser, car il y a dans le texte hébreu : « Ils firent ainsi ; mais pour chasser les poux, ils ne le purent. » La Vulgate[2]

  1. Il s’agit encore ici de l’abbé Foucher, dont il a déjà été question page 385.
  2. Exode, viii, 18 ; mais, dans la Vulgate, les animaux formant la troisième plaie de l’Égypte sont appelés sciniphes, moucherons.