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CHAPITRE VI.

Enfin, il est incontestable que le pape a, de droit divin, la puissance de dispenser de toutes les lois. Mon oncle croyait même que, dans un cas pressant, Sa Sainteté pouvait permettre à un frère d’épouser sa sœur, surtout s’il s’agissait évidemment de l’avantage de l’Église : car mon oncle était très-grand serviteur du pape.

À l’égard de la dispense pour épouser son père ou sa mère, il croyait le cas très-embarrassant : et il doutait, si j’ose le dire, que le droit divin du saint père pût s’étendre jusque-là. Nous n’en avons, ce me semble, aucun exemple dans l’histoire moderne.

Ovide, à la vérité, dit dans ses belles Métamorphoses, lib. X, 331 :

……Gentes tamen esse feruntur
In quibus et nato genitrix et nata parenti
Jungitur ; et pietas geminato crescit amore.

Ovide avait sans doute en vue les Persans babyloniens, que les Romains, leurs ennemis, accusaient de cette infamie.

Le partisan des péchés de la chair, qui a écrit contre mon oncle, le défie de trouver un autre passage que celui de Catulle. Hé bien ! qu’en résulterait-il ? qu’on n’aurait trouvé qu’un accusateur contre les Perses, et que par conséquent on ne doit point les juger coupables. Mais c’est assez qu’un auteur ait donné crédit à une fausse rumeur, pour que vingt auteurs en soient les échos. Les Hongrois aujourd’hui font aux Turcs mille reproches qui ne sont pas mieux fondés.

Grotius lui-même, dans son assez mauvais livre sur la religion chrétienne[1] va jusqu’à citer la fable du pigeon de Mahomet. On tâche toujours de rendre ses ennemis odieux et ridicules.

Notre ennemi n’a pas lu sans doute un extrait du Zend-Avesta, de Zoroastre, communiqué dans Surate à Lordius, par un de ces mages qui subsistent encore. Les ignicoles ont toujours eu la permission d’avoir cinq femmes ; mais il est dit expressément qu’il leur a toujours été défendu d’épouser leurs cousines. Voilà qui est positif. Tavernier, dans son livre IV, avoue que cette vérité lui a été confirmée par un autre mage.

Pourquoi donc notre incestueux adversaire trouve-t-il mauvais que M. l’abbé Bazin ait défendu les anciens Perses ? Pourquoi dit-il qu’il était d’usage de coucher avec sa mère ? Que gagne-t-il

  1. Il existe cinq traductions françaises du Traité de la Vérité de la religion chrétienne, par H. Grotius.