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350 HOMÉLIE SUR L'INTERPRÉTATION

Judée? Quirinus, que saint Luc appelle Gyrynus (disent les sa- vants), ne fut gouverneur de Syrie que dix ans après : ce n'était pas du temps d'Hérode, c'était du temps d'Arcliélaûs, et jamais Auguste n'ordonna un dénombrement de l'empire romain.

On nous crie que VÉpître aux Hébreux, attribuée à Paul, n'est point de Paul ; que ni V Apocalypse ni VÉvangile de Jean ne sont de Jean ; que le premier chapitre de cet Évangile est évidemment d'un Grec platonicien ; qu'il est impossible que ce livre soit d'un Juif; que jamais un Juif n'aurait fait prononcer ces paroles à Jésus ^ : « Je vous fais un commandement nouveau;- c'est que vous vous aimiez les uns les autres. » Certes, disent-ils, ce com- mandement n'était point nouveau. Il est énoncé expressément et en termes plus énergiques dans les lois du Lèvitique- : a Tu ai- meras ton Dieu plus que toute autre chose, et ton prochain comme toi-même. » Un homme tel que Jésus-Christ, un homme savant dans les Écritures, et qui confondait les docteurs à l'âge de douze ans^; un homme qui parle toujours de la loi, ne pouvait ignorer la loi ; et son disciple bien-aimé ne peut lui avoir imputé une erreur si palpable.

Mes frères, ne nous troublons point, songeons que Jésus par- lait un idiome peu intelligible aux Grecs, composé du syriaque et du phénicien ; que nous n'avons VÉvangile de saint Jean qu'en grec ; que cet évangile fut écrit plus de cinquante ans après la mort de Jésus, que les copistes peuvent aisément avoir altéré le texte; qu'il est plus probable que le texte portait : « Je vous fais un commandement qui n'est pas nouveau » qu'il n'est probable qu'il portât en effet ces mots : « Je vous fais un- commandement nouveau. » Enfin revenons à notre grand principe : le précepte est bon ; c'est à nous à le suivre si nous pouvons, soit que Zoroastre l'ait annoncé le premier, soit que Moïse l'ait écrit, soit que Jésus l'ait renouvelé.

Irons-nous pénétrer dans les plus épaisses ténèbres de l'anti- quité pour voir si les ténèbres qui couvrirent toute la terre à la mort de Jésus furent une éclipse de soleil dans la pleine lune; si un astronome nommé Phlégon, que nous n'avons plus, a parlé de ce phénomène, ou si quelque autre a jamais observé l'étoile des trois mages? Ces difficultés peuvent occuper un antiquaire; mais en consumant un temps précieux à débrouiller ce chaos, il ne

��1. Jean, xiii, 34.

2. XIX, 18, 3i.

3. Luc, II, 42, 40.

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