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336 HOMÉLIE

bats à la voix d'un prêtre ou d'un moine ; mais les citoyens se persécutent encore dans le sein des villes, et la vie privée est sou- vent empoisonnée de la peste de la superstition. Que diriez-vous d'une famille qui serait toujours prête à se battre pour deviner de quelle manière il faut saluer son père ? Eh, mes enfants, il s'agit de Faimer : vous le saluerez comme vous pourrez, N'êtes- vous frères que pour être divisés, et faudra-t-il que ce qui doit vous unir soit toujours ce qui vous sépare ?

Je ne connais pas une seule guerre civile entre les Turcs pour la religion. Que dis-je ! une guerre civile ? L'histoire n'a remarqué aucune sédition, aucun trouble parmi eux, excité par la contro- verse. Est-ce parce qu'ayant moins de dogmes, ils ont moins de prétextes de disputes ? Est-ce parce qu'ils sont nés moins inquiets et plus sages que nous? Ils ne s'informent pas de quelle secte vous êtes, pourvu que vous payiez exactement un tribut léger. Chrétiens latins, chrétiens grecs, jacobites, monothélites, cophtes, protestants, réformés, tout est bien venu chez eux, tandis qu'il n'y a pas trois nations chez les chrétiens qui exercent cette hu- manité.

Enfin, mes frères, Jésus ne fut point superstitieux; il ne fut point intolérant ; il communiquait avec les Samaritains ; il n'a pas proféré une seule parole contre le culte des Romains, dont sa patrie était environnée. Imitons son indulgence, et méritons qu'on en ait pour nous.

Ne nous effrayons pas de cet argument barbare si souvent répété. Le voici, je crois, dans toute sa force.

(( Vous croyez qu'un homme de bien peut trouver grâce devant 'l'Être des êtres, devant le Dieu de justice et de miséricorde, dans quelque temps, dans quelque lieu, dans quelque rehgion qu'il ait consumé sa courte vie ; et nous, au contraire, nous affirmons qu'on ne peut plaire à Dieu qu'en étant né parmi nous, ou ayant été enseigné par nous : il nous est démontré que nous sommes les seuls dans le monde qui ayons raison. Nous savons que Dieu étant venu sur la terre, et étant mort du dernier supphce pour tous les hommes, il ne veut pourtant avoir pitié que de notre petite assemblée, et que même, dans cette assemblée, il n'y a que fort peu de personnes qui pourront échapper à des peines éternelles. Prenez donc le parti le plus sûr ; entrez dans notre petite assemblée, et tachez d'être élu chez nous, »

Remercions nos frères qui nous tiennent ce langage; félici- tons-les d'être certains que tout l'univers est damné, hors un petit nombre d'entre eux, et croyons que notre secte vaut mieux

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