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LETTRE

SUR LES PANÉGYRIQUES

PAR IRÉNÉE ALETHÈS,

professeur en droit dans le canton d’Uri

(1767[1])


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Vous avez raison, monsieur, de vous défier des panégyriques : ils sont presque tous composés par des sujets qui flattent un maître, ou, ce qui est pis encore, par des petits qui présentent à un grand un encens prodigué avec bassesse et reçu avec dédain.

Je suis toujours étonné que le consul Pline, digne ami de Trajan, ait eu la patience de le louer pendant trois heures, et Trajan celle de l’entendre. On dit, pour excuser l’un et l’autre, que Pline supprima, pour la commodité des auditeurs, une grande partie de son énorme discours ; mais s’il en épargna la moitié à l’audience, il était encore trop long d’un quart.

Une seule chose me réconcilie avec ce panégyrique, c’est qu’étant prononcé devant le sénat et devant les principaux chevaliers romains, en l’honneur d’un prince qui regardait leurs suffrages comme sa plus noble récompense, ce discours était devenu une espèce de traité entre la république et l’empereur. Pline, en louant Trajan d’avoir été laborieux, équitable, humain, bienfaisant, l’engageait à l’être toujours, et Trajan justifia Pline le reste de sa vie.

  1. Cette pièce est d’avril ou mai 1767. Mme du Deffant en parle dans sa lettre à M. Walpole, du 23 mai. Le même jour, d’Alembert en accusait réception à Voltaire. Catherine II en remercia l’auteur dans sa lettre du 18-29 mai. (B.)