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LETTRE DE MILORD CORNSBURY.


De tous les rites de la communion papistique, la confession des filles à des hommes est d’une indécence et d’un danger qui ne nous frappe pas assez dans des climats où nous laissons tant de liberté au sexe. Cela serait abominable dans tout l’Orient. Comment oserait-on mettre une jeune fille tête à tête aux genoux d’un homme, dans des pays où elles sont gardées avec un soin si scrupuleux ?

Vous savez quels désordres souvent funestes cette infâme coutume produit tous les jours en Italie et en Espagne. La France n’en est pas exempte. L’aventure du curé de Versailles[1] est encore toute fraîche. Ce drôle volait ses pénitents dans la poche, et débauchait ses pénitentes : on s’est contenté de le chasser, et le duc d’Orléans lui fit une pension. Il méritait la corde.

C’est une plaisante chose que les sacrements de l’Église romaine. On en rit à Paris comme à Londres ; mais, tout en riant, on s’y soumet. Les Égyptiens riaient sans doute de voir des singes et des chats sur l’autel ; mais ils se prosternaient. Les hommes en général ne méritent pas d’être autrement gouvernés. Cicéron écrivit contre les augures, et les augures subsistèrent ; ils burent le meilleur vin du temps d’Horace :

Pontificum potiore cœnis.

(Lib. II, od. XIV.)


Ils le boiront toujours. Ils seront dans le fond du cœur de votre avis ; mais ils soutiendront une religion qui leur procure tant d’honneurs et d’argent en public, et tant de plaisirs en secret. Vous éclairerez le petit nombre, mais le grand nombre sera pour eux. Il en est aujourd’hui dans Rome, dans Londres, dans Paris, dans toutes les grandes villes, en fait de religion, comme dans Alexandrie du temps de l’empereur Adrien. Vous connaissez sa lettre[2] à Servianus, écrite d’Alexandrie :

« Tous n’ont qu’un Dieu. Chrétiens, juifs, et tous les autres, l’adorent avec la même ardeur : c’est l’argent. »

Voilà le dieu du pape et de l’archevêque de Kenterbury.

FIN DE L’EXAMEN IMPORTANT.
  1. Fantin ; voyez, tome IX, page 293, une note du chant XVIII de la Pucelle ; t. XVIII, page 378 ; XIX, 39 ; XXIII, 551 ; XXIV, 240.
  2. Voyez le texte de cette lettre, tome XVII, page 114.