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CONCLUSION.


et entourée de bûchers ; une secte qui ne peut être approuvée que par ceux à qui elle donne du pouvoir et des richesses ; une secte particulière qui n’est reçue que dans une petite partie du monde ; à une religion simple et universelle qui, de l’aveu même des christicoles, était la religion du genre humain du temps de Seth, d’Énoch, de Noé. Si la religion de leurs premiers patriarches est vraie, certes la secte de Jésus est fausse. Les souverains se sont soumis à cette secte, croyant qu’ils en seraient plus chers à leurs peuples, en se chargeant eux-mêmes du joug que leurs peuples portaient. Ils n’ont pas vu qu’ils se faisaient les premiers esclaves des prêtres, et ils n’ont pu encore parvenir dans la moitié de l’Europe à se rendre indépendants.

Et quel roi, je vous prie, quel magistrat, quel père de famille, n’aimera pas mieux être le maître chez lui que d’être l’esclave d’un prêtre ?

Quoi ! le nombre innombrable des citoyens molestés, excommuniés, réduits à la mendicité, égorgés, jetés à la voirie, le nombre des princes détrônés et assassinés, n’a pas encore ouvert les yeux des hommes ! Et si on les entr’ouvre, on n’a pas encore renversé cette idole funeste !

Que mettrons-nous à la place ? dites-vous. Quoi ! un animal féroce a sucé le sang de mes proches : je vous dis de vous défaire de cette bête, et vous me demandez ce qu’on mettra à sa place ! Vous me le demandez ! vous, cent fois plus odieux que les pontifes païens, qui se contentaient tranquillement de leurs cérémonies et de leurs sacrifices, qui ne prétendaient point enchaîner les esprits par des dogmes, qui ne disputèrent jamais aux magistrats leur puissance, qui n’introduisirent point la discorde chez les hommes. Vous avez le front de demander ce qu’il faut mettre à la place de vos fables ! Je vous réponds : Dieu, la vérité, la vertu, des lois, des peines, et des récompenses. Prêchez la probité, et non le dogme. Soyez les prêtres de Dieu, et non d’un homme.

Après avoir pesé devant Dieu le christianisme dans les balances de la vérité, il faut le peser dans celles de la politique. Telle est la misérable condition humaine que le vrai n’est pas toujours avantageux. Il y aurait du danger et peu de raison à vouloir faire tout d’un coup du christianisme ce qu’on a fait du papisme. Je tiens que, dans notre île, on doit laisser subsister la hiérarchie établie par un acte de parlement, en la soumettant toujours à la législation civile, et en l’empêchant de nuire. Il serait sans doute à désirer que l’idole fût renversée, et qu’on offrît à Dieu des hommages plus purs ; mais le peuple n’en est pas encore digne. Il