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jour, et que Moïse réduisit en cendre. Sont-ce deux miracles ? sont-ce deux choses possibles à l’art humain ?

24o Est-ce encore un miracle que le conducteur d’une nation dans un désert ait fait égorger vingt-trois mille hommes de cette nation par une seule des douze tribus, et que vingt-trois mille hommes se soient laissé massacrer sans se défendre ?

25o Dois-je encore regarder comme un miracle, ou comme un acte de justice ordinaire, qu’on fît mourir vingt-quatre mille Hébreux parce qu’un d’entre eux avait couché avec une Madianite, tandis que Moïse lui-même avait pris une Madianite pour femme ? et ces Hébreux, qu’on nous peint si féroces, n’étaient-ils pas de bonnes gens de se laisser ainsi égorger pour des filles ? Et à propos de filles, pourrai-je tenir mon sérieux quand je dirai que Moïse trouva trente-deux mille pucelles dans le camp madianite, avec soixante et un mille ânes ? Ce n’est pas deux ânes par pucelle.

26o Quelle explication donnerai-je à la loi qui défend de manger du lièvre[1], « parce qu’il rumine et qu’il n’a pas le pied fendu, » tandis que les lièvres ont le pied fendu, et ne ruminent pas ? Nous avons déjà vu que ce beau livre a fait de Dieu un mauvais géographe, un mauvais chronologiste, un mauvais physicien ; il ne le fait pas meilleur naturaliste. Quelles raisons donnerai-je de plusieurs autres lois non moins sages, comme celle des eaux de jalousie, et de la punition de mort contre un homme qui a couché avec sa femme dans le temps qu’elle a ses règles ? etc., etc., etc. Pourrai-je justifier ces lois barbares et ridicules, qu’on dit émanées de Dieu même ?

27o Que répondrai-je à ceux qui seront étonnés qu’il ait fallu un miracle pour faire passer le Jourdain, qui, dans sa plus grande largeur, n’a pas plus de quarante-cinq pieds, qu’on pouvait si aisément franchir avec le moindre radeau, et qui était guéable en tant d’endroits, témoin les quarante-deux mille Éphraïmites égorgés à un gué de ce fleuve par leurs frères ?

28o Que répondrai-je à ceux qui demanderont comment les murs de Jéricho tombèrent au seul son des trompettes, et pourquoi les autres villes ne tombèrent pas de même?

29o Comment excuserai-je l’action de la courtisane Rahab, qui trahit Jéricho sa patrie ? En quoi cette trahison était-elle nécessaire, puisqu’il suffisait de sonner de la trompette pour prendre la ville ? Et comment sonderai-je la profondeur des décrets divins,

  1. Deutéronome, xiv, 7.