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ses associés à en faire une seconde édition pleine d’injures les plus méprisables à la fois et les plus punissables. Le parti jésuitique a fait imprimer cette édition clandestine à Lyon, au mépris des ordonnances.

« Nonotte est actuellement toléré et ignoré dans notre ville. Il demeure à un troisième étage, et il gouverne despotiquement une vieille fille imbécile qui vous a écrit une lettre anonyme. Il dit qu’il s’occupe à un Dictionnaire antiphilosophique[1] qui doit paraître cette année. Je crois en effet qu’il en fera un antiraisonnable. Vous voyez que les membres épars de la vipère coupée en morceaux ont encore du venin. Ce misérable est un excrément de collège qu’on ne décrassera jamais, etc. »

Nous conservons l’original de cette lettre.

Si Nonotte a ses censeurs, il a aussi des gens de bon goût pour partisans. M. de Voltaire a reçu une lettre datée de Hennebon en Bretagne, le 18 novembre 1766, signée le chevalier Brûlé. Il a bien voulu nous la communiquer ; la voici : elle est en beaux vers.

L’orgueil du philosophe avait bercé Voltaire
Dans la flatteuse idée, mais par trop téméraire,
De mériter un nom par-dessus tous les noms.
Le voilà bien déchu de sa présomption ;
David avec sa fronde a terrassé Goliath.

Et puis qu’on dise qu’il n’y a plus de Welches en France. Le chevalier de Brûlé est apparemment un disciple de Nonotte. Les jésuites n’élevaient-ils pas bien la jeunesse ?

PETITE DIGRESSION
Qui contient une réflexion utile sur une partie des vingt-deux honnêtetés précédentes.

Quelle est la source de cette rage de tant de petits auteurs, ou ex-jésuites, ou convulsionnistes, ou précepteurs chassés, ou petits collets sans bénéfices, ou prieurs, ou argumentant en théologie, ou travaillant pour la comédie, ou étalant une boutique de feuilles, ou vendant des mandements et des sermons ? D’où vient qu’ils attaquent les premiers hommes de la littérature avec une fureur si folle ? Pourquoi appellent-ils toujours les Pascal

  1. L’ouvrage de Nonotte, qui ne parut que cinq ans après, est intitulé Dictionnaire philosophique de la religion : voyez l’Avertissement de Beuchot en tête du Dictionnaire philosophique, tome XVII, page x.