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de ce que les premiers écrivains, aussi exacts que toi, ont confondu patrimonium Petri et Pauli avec dominium imperiale. Tu dois savoir, ex-jésuite Nonotte, ce que c’est qu’une équivoque.

8o Hé bien ! parleras-tu encore des bigames et trigames de la première race[1] ? Un jésuite ferme-t-il la bouche à un autre jésuite ? Suffira-t-il de Daniel pour confondre Nonotte ? Lis donc ton Daniel, quoiqu’il soit bien sec. Lis la page 110 du premier volume in-4o ; lis, Nonotte, lis, et tu trouveras que le grand Théodebert épousa la belle Deuterie, quoique la belle Deuterie eût un mari, et que le grand Théodebert eût une femme, et que cette femme s’appelait Visigarde, et que cette Visigarde était fille d’un roi des Lombards nommé Vacon, fort peu connu dans l’histoire ; tu verras que Théodebert imitait en cette bigamerie ou bigamie son oncle Clotaire ; et voici les propres mots de Daniel :

« Théodebert ne faisait en cela rien de pis que son oncle Clotaire, qui avait épousé la femme de Clodomir son frère, peu de temps après la mort de ce prince, quoiqu’il eût déjà une autre femme ; et il en eut trois pendant quelque temps, dont deux étaient sœurs. »

Cela n’est pas trop bien écrit, et tu ne pourras approuver ce style, à moins que tu n’aimes ton prochain comme toi-même ; mais, mon ami, si Daniel écrit mal, il dit au moins ici la vérité, et c’est la différence qui est entre vous deux.

Je veux te conter une anecdote au sujet des bigames. Le lord Cowper, grand chancelier d’Angleterre, épousa deux femmes qui vécurent avec lui très-cordialement dans sa maison. Ce fut le meilleur ménage du monde. Ce bigame écrivit un petit livre sur la légitimité de ses deux mariages, et prouva son livre par les faits. M. de Voltaire s’était trompé en racontant cette bigamie ; il avait pris le lord Cowper pour le lord Trevor[2]. La famille Trevor l’a redressé avec une extrême politesse ; ce n’est pas comme toi, Nonotte, qui te trompes très-impoliment.

9o Mais, mon cher Nonotte, quand tu as fait deux volumes de tes erreurs, que tu appelles les erreurs d’un autre, as-tu pensé qu’on perdrait son temps à répondre à toutes tes bévues ? Le public s’amuserait-il beaucoup d’un gros livre intitulé les Erreurs de Nonotte ? Je ne veux te présenter qu’un petit bouquet, mais j’ai

  1. Voyez tome XIX, page 100 ; et XXIV, 489.
  2. L’édition de 1761 de l’Essai sur l’Histoire générale (devenu l’Essai sur les Mœurs) est la première dans laquelle Voltaire parle du chancelier bigame. Il l’y nommait en effet Trevor ; mais il a corrigé cette faute. Voyez tome XII, page 298.