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victorieux dans Jérusalem, s’ils exterminaient tous les infidèles dans les lieux où ils avaient le plus de synagogues. Les Juifs, séduits par cet homme, massacrèrent, dit-on, plus de deux cent vingt mille personnes dans la Cyrénaïque et dans Chypre. Dion[1] et Eusèbe[2] disent que, non contents de les tuer, ils mangeaient leur chair, se faisaient une ceinture de leurs intestins, et se frottaient le visage de leur sang. Si cela est ainsi, ce fut, de toutes les conspirations contre le genre humain, dans notre continent, la plus inhumaine et la plus épouvantable ; et elle dut l’être, puisque la superstition en était le principe. Ils furent punis, mais moins qu’ils ne le méritaient, puisqu’ils subsistent encore.

celle de théodose.

Je ne vois aucune conspiration pareille dans l’histoire du monde, jusqu’au temps de Théodose, qui proscrivit les habitants de Thessalonique, non pas dans un mouvement de colère, comme des menteurs mercenaires l’écrivent si souvent, mais après six mois des plus mûres réflexions. Il mit dans cette fureur méditée un artifice et une lâcheté qui la rendaient encore plus horrible. Les jeux publics furent annoncés par son ordre, les habitants invités : les courses commencèrent ; au milieu de ces réjouissances, ses soldats égorgèrent sept à huit mille habitants ; quelques auteurs disent quinze mille. Cette proscription fut incomparablement plus sanguinaire et plus inhumaine que celle des triumvirs ; ils n’avaient compris que leurs ennemis dans leurs listes ; mais Théodose ordonna que tout pérît sans distinction. Les triumvirs se contentèrent de taxer les veuves et les filles des proscrits. Théodose fit massacrer les femmes et les enfants, et cela dans la plus profonde paix, et lorsqu’il était au comble de sa puissance. Il est vrai[3] qu’il expia ce crime ; il fut quelque temps sans aller à la messe.

celle de l’impératrice théodora.

Une conspiration[4] beaucoup plus sanglante encore que toutes les précédentes fut celle d’une impératrice Théodora, au milieu

  1. Ou plutôt Xiphilin, dans l’Abrégé de Dion Cassius.
  2. Histoire de l’Église, iv, 2.
  3. Cette dernière phrase a été ajoutée en 1771.
  4. Dans l’impression de 1766 il y avait : « Une proscription beaucoup plus sanglante. »