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UN MEMBRE DU CONSEIL DE ZURICH


commerce, il ne s’en trouverait pas quelques-uns de dangereux, et qu’on ne doit pas mettre entre les mains de la jeunesse ; c’est une affaire de police, une précaution très-sage des magistrats.

Quand on leur a proposé de jeter ce que vous appelez des monitoires, nous voyons qu’ils se sont conduits avec la même équité et la même impartialité, en refusant d’accorder cette procédure extraordinaire. Elle n’est faite que pour les grands crimes ; elle est inconnue chez tous les peuples qui concilient la sévérité des lois avec la liberté du citoyen ; elle ne sert qu’à répandre le trouble dans les consciences et l’alarme dans les familles. C’est une inquisition réelle qui invite tous les citoyens à faire le métier infâme de délateur ; c’est une arme sacrée qu’on met entre les mains de l’envie et de la calomnie pour frapper l’innocent en sûreté de conscience. Elle expose toutes les personnes faibles à se déshonorer, sous prétexte d’un motif de religion ; elle est, en cette occasion, contraire à toutes les lois, puisqu’elle a pour but la réparation d’un délit, et que l’objet de ce monitoire serait d’établir un délit lorsqu’il n’y en a point.

Un monitoire, en ce cas, serait un ordre de chercher, au nom de Dieu, à perdre un citoyen ; ce serait insulter à la fois la loi et la religion, et les rendre toutes deux complices d’un crime infiniment plus grand que celui qu’on impute au sieur Fantet. Un monitoire, en un mot, est une espèce de proscription. Cette manière de procéder serait ici d’autant plus injuste que, de vos prêtres qui avaient accusé Fantet, les uns ont été confondus à la confrontation, les autres se sont rétractés. Un monitoire alors n’eût été qu’une permission accordée aux calomniateurs de chercher à calomnier encore, et d’employer la confession pour se venger. Voyez quel effet horrible ont produit les monitoires contre les Calas et les Sirven !

Votre parlement, en rejetant une voie si odieuse, et en procédant contre Fantet avec toute la sévérité de la loi, a rempli tous les devoirs de la justice, qui doit rechercher les coupables, et ne pas souhaiter qu’il y ait des coupables. Cette conduite lui attire les bénédictions de toutes les provinces voisines.

J’ai interrompu cette lettre, monsieur, pour lire en public les remontrances que votre parlement fait au roi sur cette affaire. Nous les regardons comme un monument d’équité et de sagesse, digne du corps qui les a rédigées, et du roi à qui elles sont adressées. Il nous semble que votre patrie sera toujours heureuse, quand vos souverains continueront de prêter une oreille attentive à ceux qui, en parlant pour le bien public, ne peuvent