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SI L’INTOLÉRANCE A ÉTÉ ENSEIGNÉE PAR J.-C.

un jour ses enfants comme lui-même, s’ils étaient assez heureux pour mériter leur haine comme lui : le législateur des chrétiens, infiniment supérieur, pria son père de pardonner à ses ennemis[1].

Si Jésus-Christ sembla craindre la mort, si l’angoisse qu’il ressentit fut si extrême qu’il en eut une sueur mêlée de sang[2], ce qui est le symptôme le plus violent et le plus rare, c’est qu’il daigna s’abaisser à toute la faiblesse du corps humain, qu’il avait revêtu. Son corps tremblait, et son âme était inébranlable ; il nous apprenait que la vraie force, la vraie grandeur, consistent à supporter des maux sous lesquels notre nature succombe. Il y a un extrême courage à courir à la mort en la redoutant.

Socrate avait traité les sophistes d’ignorants, et les avait convaincus de mauvaise foi : Jésus, usant de ses droits divins, traita les scribes[3] et les pharisiens d’hypocrites, d’insensés, d’aveugles, de méchants, de serpents, de race de vipères.

Socrate ne fut point accusé de vouloir fonder une secte nouvelle : on n’accusa point Jésus-Christ d’en avoir voulu introduire une[4]. Il est dit que les princes des prêtres et tout le conseil cherchaient un faux témoignage contre Jésus pour le faire périr.

Or, s’ils cherchaient un faux témoignage, ils ne lui reprochaient donc pas d’avoir prêché publiquement contre la loi. Il fut en effet soumis à la loi de Moïse depuis son enfance jusqu’à sa mort. On le circoncit le huitième jour, comme tous les autres enfants. S’il fut depuis baptisé dans le Jourdain, c’était une cérémonie consacrée chez les Juifs, comme chez tous les peuples de l’Orient. Toutes les souillures légales se nettoyaient par le baptême ; c’est ainsi qu’on consacrait les prêtres : on se plongeait dans l’eau à la fête de l’expiation solennelle, on baptisait les prosélytes.

Jésus observa tous les points de la loi : il fêta tous les jours de sabbat ; il s’abstint des viandes défendues ; il célébra toutes les fêtes, et même, avant sa mort, il avait célébré la pâque ; on ne l’accusa ni d’aucune opinion nouvelle, ni d’avoir observé aucun rite étranger. Né Israélite, il vécut constamment en Israélite.

Deux témoins qui se présentèrent l’accusèrent d’avoir dit[5] « qu’il pourrait détruire le temple et le rebâtir en trois jours ».

  1. Luc, xxiii, 34.
  2. Luc, xxii, 44.
  3. Saint Matthieu, chap. xxiii. (Note de Voltaire.)
  4. Ibid., chap. xxvi, v. 59. (Id.)
  5. Matthieu, chap. xxvi, v. 61 (Id.)