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SI L’INTOLÉRANCE FUT DE DROIT DIVIN.

morceaux par le prêtre Samuel. Ézéchiel même leur promet[1], pour les encourager, qu’ils mangeront de la chair humaine : « Vous mangerez, dit-il, le cheval et le cavalier ; vous boirez le sang des princes. » Plusieurs commentateurs appliquent deux versets de cette prophétie aux Juifs mêmes, et les autres aux animaux carnassiers. On ne trouve, dans toute l’histoire de ce peuple, aucun trait de générosité, de magnanimité, de bienfaisance ; mais il s’échappe toujours, dans le nuage de cette barbarie si longue et si affreuse, des rayons d’une tolérance universelle.

Jephté, inspiré de Dieu, et qui lui immola sa fille, dit aux Ammonites[2] : « Ce que votre dieu Chamos vous a donné ne vous appartient-il pas de droit ? Souffrez donc que nous prenions la terre que notre Dieu nous a promise. » Cette déclaration est précise : elle peut mener bien loin ; mais au moins elle est une preuve évidente que Dieu tolérait Chamos. Car la sainte Écriture ne dit pas : Vous pensez avoir droit sur les terres que vous dites vous avoir été données par le dieu Chamos ; elle dit positivement : « Vous avez droit, tibi jure debentur » ; ce qui est le vrai sens de ces paroles hébraïques : Otho thirasch.

L’histoire de Michas et du lévite, rapportée aux xviie et xviiie chapitres du livre des Juges est bien encore une preuve incontestable de la tolérance et de la liberté la plus grande, admise alors chez les Juifs. La mère de Michas, femme fort riche d’Éphraïm, avait perdu onze cents pièces d’argent ; son fils les lui rendit : elle voua cet argent au Seigneur, et en fit faire des idoles ; elle bâtit une petite chapelle. Un lévite desservit la chapelle, moyennant dix pièces d’argent, une tunique, un manteau par année, et sa nourriture ; et Michas s’écria[3] : « C’est maintenant que Dieu me fera du bien, puisque j’ai chez moi un prêtre de la race de Lévi. »

Cependant six cents hommes de la tribu de Dan, qui cherchaient à s’emparer de quelque village dans le pays, et à s’y établir, mais n’ayant point de prêtre lévite avec eux, et en ayant besoin pour que Dieu favorisât leur entreprise, allèrent chez Michas, et prirent son éphod, ses idoles ; et son lévite, malgré les remontrances de ce prêtre, et malgré les cris de Michas et de sa


    près dans le temps que Dieu mit la foi d’Abraham à l’épreuve. Il est difficile de percer dans les ténèbres de cette antiquité ; mais il n’est que trop vrai que ces horribles sacrifices ont été presque partout en usage ; les peuples ne s’en sont défaits qu’à mesure qu’ils se sont policés : la politesse amène l’humanité. (Note de Voltaire.)

  1. xxxix, 20, 18.
  2. Juges, chap. xi, v. 24. (Note de Voltaire.)
  3. Juges, chap. xvii, vers. dernier. (Id.)