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SI L’INTOLÉRANCE FUT DE DROIT DIVIN.

se proportionner aux temps et à la population du genre humain : c’est une gradation paternelle ; mais ces abîmes sont trop profonds pour notre débile vue. Tenons-nous dans les bornes de notre sujet ; voyons d’abord ce qu’était l’intolérance chez les Juifs.

Il est vrai que, dans l’Exode, les Nombres, le Lévitique, le Deutéronome, il y a des lois très-sévères sur le culte, et des châtiments plus sévères encore. Plusieurs commentateurs ont de la peine à concilier les récits de Moïse avec les passages de Jérémie et d’Amos, et avec le célèbre discours de saint Étienne, rapporté dans les Actes des apôtres. Amos dit[1] que les Juifs adorèrent toujours dans le désert Moloch, Rempham, et Kium. Jérémie dit expressément[2] que Dieu ne demanda aucun sacrifice à leurs pères quand ils sortirent d’Égypte. Saint Étienne, dans son discours aux Juifs, s’exprime ainsi : « Ils adorèrent l’armée du ciel[3] ; ils n’offrirent ni sacrifices ni hosties dans le désert pendant quarante ans ; ils portèrent le tabernacle du dieu Moloch, et l’astre de leur dieu Rempham. »

D’autres critiques infèrent du culte de tant de dieux étrangers que ces dieux furent tolérés par Moïse, et ils citent en preuves ces paroles du Deutéronome[4] : « Quand vous serez dans la terre de Chanaan, vous ne ferez point comme nous faisons aujourd’hui, où chacun fait ce qui lui semble bon[5]. »


    la crainte, de l’amour, de la colère, et de toutes leurs affections ; il serait bien étrange qu’ils exprimassent si bien ce qu’ils ne sentiraient pas.

    Cette remarque peut fournir beaucoup de réflexions aux esprits exercés sur le pouvoir et la bonté du Créateur, qui daigne accorder la vie, le sentiment, les idées, la mémoire, aux êtres que lui-même a organisés de sa main toute-puissante. Nous ne savons ni comment ces organes se sont formés, ni comment ils se développent, ni comment on reçoit la vie, ni par quelles lois les sentiments, les idées, la mémoire, la volonté, sont attachés à cette vie : et dans cette profonde et éternelle ignorance, inhérente à notre nature, nous disputons sans cesse, nous nous persécutons les uns les autres, comme les taureaux qui se battent avec leurs cornes sans savoir pourquoi et comment ils ont des cornes. (Note de Voltaire.)

  1. Amos, ch. v, V. 26. (Id.)
  2. Jérém., ch. v, v. 22. (Id.)
  3. Act., ch. vii, V. 42-43. (Id.)
  4. Deutér., ch. xii, v. 8. (Id.)
  5. Plusieurs écrivains conclurent témérairement de ce passage que le chapitre concernant le veau d’or (qui n’est autre chose que le dieu Apis) a été ajouté aux livres de Moïse, ainsi que plusieurs autres chapitres.

    Aben-Hezra fut le premier qui crut prouver que le Pentateuque avait été rédigé du temps des rois. Wollaston, Collins, Tindal, Shaftesbury, Bolingbroke, et beaucoup d’autres, ont allégué que l’art de graver ses pensées sur la pierre polie, sur la brique, sur le plomb ou sur le bois, était alors la seule manière d’écrire ; ils disent que du temps de Moïse les Chaldéens et les Égyptiens n’écrivaient pas autrement ; qu’on ne pouvait alors graver que d’une manière très-abrégée, et en