Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome25.djvu/595

Cette page a été validée par deux contributeurs.
585
AVIS AU PUBLIC.

On doit répéter ici qu’il ne faut jamais répondre aux critiques sur des objets de goût[1] ; mais il faut confondre le mensonge. M. de Voltaire a rempli son devoir quand il a réprimé l’insolence de celui qui prétendait avoir été reçu dans son château, près de Lausanne, et avoir appris ses sentiments de sa propre bouche. Il a dû dire que jamais il n’avait eu de château près de Lausanne ; que jamais il n’avait vu cet abbé Guyon, qui disait l’avoir vu si souvent dans ce prétendu château[2].

Il a dû réfuter de même les mensonges historiques d’un nommé Nonotte, ex-jésuite, auteur d’un traité en faveur de l’usure, qui n’a pas même pu trouver d’imprimeur, et qui, dans deux volumes intitulés les Erreurs[3], n’a débité, en effet, que des erreurs avec autant de malignité que d’ignorance.

Il faut écraser quelquefois les serpents qui rongent la lime, parce qu’ils peuvent mordre celui qui la tient. Le petit serpent[4] qui a osé attaquer M. d’Alembert, M. Hume, et tant d’autres hommes considérables, dans des Lettres à un prétendu lord, mériterait la même correction si on pouvait lire son ouvrage.

Mais, en général, on doit dire que l’art de l’imprimerie, si nécessaire aux nations policées, n’a jamais été si indignement prostitué ; des faussaires s’en emparent, et des marchands libraires de Hollande vendent la calomnie dans leurs boutiques à deux sous la feuille. On n’a d’autre ressource contre ces indignités que de les faire connaître.

J’ajoute aux déclarations ci-dessus que ce recueil de mes prétendues lettres, et un autre recueil qu’on vient de faire à Avignon, en deux volumes, ne sont qu’un tissu d’impostures. De telles éditions sont un véritable crime de faux, et je m’étonne qu’il y ait un seul gouvernement dans le monde qui tolère une licence si coupable.

Voltaire,
Gentilhomme ordinaire de la chambre du roi,
l’un des quarante de l’Académie française.
FIN DE L’APPEL AU PUBLIC.
  1. Voyez, tome II du Théâtre, le Discours préliminaire en tête d’Alzire.
  2. Voyez le début de l’Oracle des nouveaux philosophes (par l’abbé Guyon), 1759, in-12 ; 1760, in-12. Il a paru une Suite de l’Oracle des nouveaux philosophes, 1760, in-12. C’était dans sa lettre à Albergati Capacelli, du 23 décembre 1760, et imprimée alors, que Voltaire avait réprimé l’insolence de Guyon. (B.)
  3. Voyez tome XXIV, page 483 et suiv., les Éclaircissements historiques.
  4. Vernet ; voyez la Lettre curieuse de Robert Covelle, page 491.