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COMMENTAIRE SUR LE LIVRE

Cette contradiction absurde et horrible est une suite malheureuse de l’opposition continuelle qui règne depuis tant de siècles entre les lois ecclésiastiques et les lois civiles. Le citoyen se trouve pressé dans cent occasions entre le sacrilége et le crime de haute trahison ; et les règles du bien et du mal sont ensevelies dans un chaos dont on ne les a pas encore tirées.

La confession de ses fautes a été autorisée de tout temps chez presque toutes les nations. On s’accusait dans les mystères d’Orphée, d’Isis, de Cérès, de Samothrace. Les Juifs faisaient l’aveu de leurs péchés le jour de l’expiation solennelle, et ils sont encore dans cet usage. Un pénitent choisit son confesseur, qui devient son pénitent à son tour ; et chacun l’un après l’autre reçoit de son compagnon trente-neuf coups de fouet pendant qu’il récite trois fois la formule de confession, qui ne consiste qu’en treize mots, et qui, par conséquent, n’articule rien de particulier.

Aucune de ces confessions n’entra jamais dans les détails, aucune ne servit de prétexte à ces consultations secrètes que des pénitents fanatiques ont faites quelquefois pour avoir droit de pécher impunément, méthode pernicieuse qui corrompt une institution salutaire, La confession, qui était le plus grand frein des crimes, est souvent devenue, dans des temps de sédition et de trouble, un encouragement au crime même ; et c’est probablement pour toutes ces raisons que tant de sociétés chrétiennes ont aboli une pratique sainte qui leur a paru aussi dangereuse qu’utile.



XVII.
de la fausse monnaie.

Le crime de faire de la fausse monnaie est regardé comme haute trahison au second chef, et avec justice : c’est trahir l’État que voler tous les particuliers de l’État. On demande si un négociant qui fait venir des lingots d’Amérique, et qui les convertit chez lui en bonne monnaie, est coupable de haute trahison, et s’il mérite la mort. Dans presque tous les royaumes on le condamne au dernier supplice ; il n’a pourtant volé personne : au contraire, il a fait le bien de l’État en lui procurant une plus grande circulation d’espèces. Mais il s’est arrogé le droit du souverain, il le vole en s’attribuant le petit bénéfice que le roi fait sur les monnaies. Il a fabriqué de bonnes espèces, mais il expose ses imitateurs à la tentation d’en faire de mauvaises. C’est beaucoup que la