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COMMENTAIRE SUR LE LIVRE

fut pas rendu par justice, mais par des commissaires[1]. La lettre de la loi meurtrière était précise. C’est non-seulement aux jurisconsultes, mais à tous les hommes, de prononcer si l’esprit de la loi ne fut pas perverti. C’est une triste contradiction qu’un petit nombre d’hommes fasse périr comme criminel celui que toute une nation juge innocent et digne d’estime.



XVI.
de la révélation par la confession.[2]

Jaurigny[3] et Balthazar Gérard, assassins du prince d’Orange Guillaume Ier, le dominicain Jacques Clément, Châtel, Ravaillac, et tous les autres parricides de ce temps-là, se confessèrent avant de commettre leurs crimes. Le fanatisme, dans ces siècles déplorables, était parvenu à un tel excès que la confession n’était qu’un engagement de plus à consommer leur scélératesse ; elle devenait sacrée, par cette raison que la confession est un sacrement.

Strada dit lui-même que Jaurigny « non ante facinus aggredi sustinuit, quam expiatam noxis animam apud dominicanum sacerdotem cœlesti pane firmaverit. — Jaurigny n’osa entreprendre cette action sans avoir fortifié par le pain céleste son âme, purgée par la confession aux pieds d’un dominicain ».

On voit, dans l’interrogatoire de Ravaillac, que ce malheureux, sortant des feuillants, et voulant entrer chez les jésuites, s’était adressé au jésuite d’Aubigny ; qu’après lui avoir parlé de plusieurs apparitions qu’il avait eues, il montra à ce jésuite un couteau sur la lame duquel un cœur et une croix étaient gravés, et qu’il dit ces propres mots au jésuite : « Ce cœur indique que le cœur du roi doit être porté à faire la guerre aux huguenots. »

Peut-être si d’Aubigny avait eu assez de zèle et de prudence pour faire instruire le roi de ces paroles, peut-être s’il avait dépeint l’homme qui les avait prononcées, le meilleur des rois n’aurait pas été assassiné.

  1. C’est le mot d’un moine de Marcoussis à François Ier ; voyez tome XV, page 463.
  2. Voltaire, en 1771, reproduisit ce paragraphe, moins les deux derniers alinéas (et non premiers , comme Beuchot l’a dit en sa note, tome XVIII, page 226) dans son article Confession des Questions sur l’Encyclopédie .
  3. Voltaire a toujours appelé Jaurigny (voyez tome XII, page 471 ; XIII, 546) l’assassin de Guillaume, que d’autres appellent Jaureguy.