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DES DÉLITS ET DES PEINES.

depuis sous le nom de Henri VII ; on trouva deux lignes de sa main qui étaient d’un ridicule grossier : elles suffirent pour faire périr ce chevalier par un affreux supplice. Les histoires sont pleines de pareils exemples de justice.

Le droit de représailles est encore une de ces lois reçues des nations. Votre ennemi a fait pendre un de vos braves capitaines qui a tenu quelque temps dans un petit château ruiné contre une armée entière ; un de ses capitaines tombe entre vos mains ; c’est un homme vertueux que vous estimez et que vous aimez : vous le pendez par représailles. C’est la loi, dites-vous ; c’est-à-dire que si votre ennemi s’est souillé d’un crime énorme, il faut que vous en commettiez un autre !

Toutes ces lois d’une politique sanguinaire n’ont qu’un temps, et l’on voit bien que ce ne sont pas de véritables lois, puisqu’elles sont passagères. Elles ressemblent à la nécessité où l’on s’est trouvé quelquefois, dans une extrême famine, de manger des hommes : on ne les mange plus dès qu’on a du pain.



XV.


du crime de haute trahison. de titus oates,
et de la mort d’auguste de thou.


On appelle haute trahison un attentat contre la patrie ou contre le souverain qui la représente. Il est regardé comme un parricide : donc on ne doit pas l’étendre jusqu’aux délits qui n’approchent pas du parricide, car, si vous traitez de haute trahison un vol dans une maison de l’État, une concussion, ou même des paroles séditieuses, vous diminuez l’horreur que le crime de haute trahison ou de lèse-majesté doit inspirer.

Il ne faut pas qu’il y ait rien d’arbitraire dans l’idée qu’on se forme des grands crimes. Si vous mettez un vol fait à un père par son fils, une imprécation d’un fils contre son père, dans le rang des parricides, vous brisez les liens de l’amour filial. Le fils ne regardera plus son père que comme un maître terrible. Tout ce qui est outré dans les lois tend à la destruction des lois.

Dans les crimes ordinaires, la loi d’Angleterre est favorable à l’accusé ; mais dans celui de haute trahison, elle lui est contraire. L’ex-jésuite Titus Oates, ayant été juridiquement interrogé dans la chambre des communes, et ayant assuré par serment qu’il n’avait plus rien à dire, accusa cependant ensuite le secrétaire