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COMMENTAIRE SUR LE LIVRE

uniquement pour des points de controverse. Il est bien vrai que ce furent deux évêques espagnols qui poursuivirent la mort des priscillianistes auprès de Maxime ; mais il n’est pas moins vrai que ce tyran voulait plaire au parti dominant en versant le sang des hérétiques. La barbarie et la justice lui étaient également indifférentes. Jaloux de Théodose, Espagnol comme lui, il se flattait de lui enlever l’empire d’Orient, comme il avait déjà envahi celui d’Occident. Théodose était haï pour ses cruautés ; mais il avait su gagner tous les chefs de la religion. Maxime voulait déployer le même zèle, et attacher les évêques espagnols à sa faction. Il flattait également l’ancienne religion et la nouvelle ; c’était un homme aussi fourbe qu’inhumain, comme tous ceux qui dans ce temps-là prétendirent ou parvinrent à l’empire. Cette vaste partie du monde était gouvernée comme l’est Alger aujourd’hui. La milice faisait et défaisait les empereurs ; elle les choisissait très-souvent parmi les nations réputées barbares. Théodose lui opposait alors d’autres barbares de la Scythie. Ce fut lui qui remplit les armées de Goths, et qui éleva Alaric, le vainqueur de Rome. Dans cette confusion horrible, c’était donc à qui fortifierait le plus son parti par tous les moyens possibles.

Maxime venait de faire assassiner à Lyon l’empereur Gratien, collègue de Théodose ; il méditait la perte de Valentinien II, nommé successeur de Gratien à Rome dans son enfance. Il assemblait à Trêves une puissante armée, composée de Gaulois et d’Allemands. Il faisait lever des troupes en Espagne, lorsque deux évêques espagnols, Idacio et Ithacus ou Itacius[1], qui avaient alors beaucoup de crédit, vinrent lui demander le sang de Priscillien et de tous ses adhérents, qui disaient que les âmes sont des émanations de Dieu, que la Trinité ne contient point trois hypostases, et qui, de plus, poussaient le sacrilége jusqu’à jeûner le dimanche. Maxime, moitié païen, moitié chrétien, sentit bientôt toute l’énormité de ces crimes. Les saints évêques Idacio et Itacius obtinrent qu’on donnât d’abord la question à Priscillien et à ses complices avant qu’on les fît mourir : ils y furent présents, afin que tout se passât dans l’ordre, et s’en retournèrent en bénissant Dieu, et en plaçant Maxime, le défenseur de la foi, au rang des saints. Mais Maxime ayant été défait par Théodose, et ensuite assassiné aux pieds de son vainqueur, il ne fut point canonisé.

Il faut remarquer que saint Martin, évêque de Tours, vérita-

  1. Saint Jérôme, De Viris illustribus, cap. cxxi.