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JUSTIFIÉ.


par là un des plus singuliers monuments qui puissent servir à l’histoire de l’esprit humain.

On ne sort point d’étonnement de voir que l’auteur appelle le parricide commis contre Henri IV cette affaire des jésuites. C’est assurément une singulière affaire.

Je passe enfin au grand et terrible événement qui priva la France du meilleur de ses rois, et qui changea la face de l’Europe. Je ne vois pas sur quoi M. de Bury rapporte que dès que Concini, depuis maréchal d’Ancre, sut la mort de Henri IV, il « se présenta[1] à la porte du cabinet de la reine, l’entr’ouvrit, avança la tête, et dit : È ammazzato, la referma, et se retira ».

On sent la valeur de ces paroles et les affreuses conséquences d’un pareil discours. Entr’ouvrir la porte, dire simplement : Il est tué, et le dire à la reine, à la femme du mort ; prononcer, dis-je, il est tué, sans prononcer le nom du roi, comme si le pronom il avait été un terme convenu entre eux ; refermer la porte sur-le-champ, comme pour aller pourvoir aux suites de l’assassinat ; quelles conséquences, quels crimes n’en résultent-ils pas ?

Quand on allègue une accusation si terrible, il faut dire d’où on la tient, examiner si l’auteur est croyable, peser exactement toutes les circonstances ; sans quoi l’on se rend coupable d’une prodigieuse témérité. Cette anecdote ne se trouve ni dans de Thou, ni dans Mézerai, ni dans aucun des mémoires du temps un peu connus. Si elle était vraie, elle prouverait trop sans doute.

On se souviendra longtemps dans une province de France du supplice d’un homme en place, qui fut convaincu d’un assassinat sur une parole à peu près semblable qu’il avait dite devant témoins. Il venait de tuer le mari d’une femme dont il était amoureux. Cette femme était alors au spectacle ; il va dans sa loge immédiatement après avoir fait le coup, et lui dit en l’abordant : Il dort. Ce seul mot conduisit les juges à la conviction du crime.

Quoi ! l’auteur ose accuser M. de Thou de témérité, de malignité ! Et lui-même, sans aucune raison, sans aucune autorité, intente une accusation qui fait frémir.

Je dois dire un mot de la prétendue paix universelle à laquelle Henri IV, dit-on[2], voulait parvenir par la guerre, dont l’événement est toujours incertain.

S’il y avait eu la moindre apparence au prétendu projet de

  1. Tome IV, page 213.
  2. Histoire de Henri IV, tome IV, page 288.