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LE PRÉSIDENT DE THOU


entière n’a pas puni ces attentats ! et un écrivain qui donne la Vie de Henri IV les supprime !

M. de Bury dit que les écrivains huguenots rapportaient par dérision que « Henri[1] s’était soumis à recevoir des coups de fouet par procureur ». Ce ne sont point les huguenots qui ont parlé ainsi les premiers, c’est Mézerai lui-même dont voici les paroles[2] : « Les politiques reprochèrent au cardinal Duperron que, pour mériter la faveur du pape, il avait soumis son roi à recevoir des coups de bâton par procureur. »

Duperron pouvait épargner au roi cette cérémonie, mais il voulait être cardinal. Les évêques de France qui avaient reçu l’abjuration du roi n’avaient eu garde de proposer cette espèce de pénitence, qui aurait été regardée, dans un temps plus heureux, comme un crime de lèse-majesté ; à plus forte raison un évêque de Rome n’avait pas le droit de faire cette insulte à un roi de France.

Une chose plus importante est le parricide commis par Jean Châtel, pour lequel les jésuites avaient été chassés.

« La maison du père de Châtel fut rasée, et le prix des démolitions fut employé à la construction, sur le terrain où elle était située, d’une pyramide à quatre faces, sur lesquelles on grava le précis de l’arrêt du parlement[3], avec plusieurs inscriptions à la louange du roi, et sur le danger qu’il avait couru. Cette affaire des jésuites pensa causer au roi de grands embarras à Rome. »

Premièrement il n’est pas vrai que la pyramide érigée par arrêt du parlement ne contînt que des louanges pour le roi et des inscriptions sur son danger, comme l’auteur l’insinue ; on grava sur le côté qui regardait l’orient ces propres mots :

Pulso tota Gallia hominum genere novæ ac maleficæ superstitionis, qui rempublicam turbabant, quorum instinctu piacularis adolescens dirum facinus instituerat.

« On a chassé de toute la France ce genre d’hommes d’une superstition nouvelle et pernicieuse, perturbateurs du royaume, pour avoir induit un jeune homme à commettre un parricide par pénitence. »

Ce mot pénitence répond précisément à piacularis[4], et devient

  1. Tome II, page 431.
  2. Abrégé chronologique, ou Extrait de l’Histoire de France, 1593.
  3. Tome II, page 414. J’ai rétabli ici une ligne omise par la copie ou l’imprimeur de Voltaire. (B.)
  4. Voltaire donne l’explication du mot piacularis dans la XVIIIe Niaiserie faisant partie de Un Chrétien contre six Juifs.