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JUSTIFIÉ.


remment qu’on en sort aussi avec avantage. Ce n’est pas là le style du pédant de Thou.

Je ne remarque ces fautes dans le début de cette histoire que pour faire voir combien il est indécent à un homme qui écrit si mal de se déchaîner contre le plus éloquent de nos historiens. Je ne parlerai point des fautes de langage qui sont en trop grand nombre dans cet ouvrage ; je passe à des objets plus importants.

L’auteur remonte jusqu’à la mort de François Ier, et dit[1] que ce monarque laissa dans son trésor quatre millions d’espèces. Je ne veux point trop blâmer ici l’usage où sont tant d’auteurs de répéter ce que d’autres ont dit ; mais il faut au moins s’expliquer d’une manière intelligible. Quatre millions d’espèces ne signifient rien. Le pédant de Thou nous apprend que François Ier laissa quatre cent mille écus d’or[2], outre le quart des revenus dont le recouvrement n’était pas encore fait, ce qui ne compose point quatre millions d’espèces, mais seize cent mille livres numériques, à quatre livres l’écu d’or.

Venant ensuite à la paix de Cateau-Cambrésis faite avec Philippe II, l’auteur dit[3] « qu’on rendit les conquêtes de part et d’autre, excepté Metz, Toul et Verdun ». On croirait, par cet énoncé, que Henri II avait pris Metz, Toul et Verdun, sur Philippe ; mais il les avait prises sur l’Allemagne, et il n’en fut point du tout question dans le traité de Cateau-Cambrésis.

Il est bien étrange que, dans la Vie de Henri IV, on parle des batailles[4] de Jarnac, de Moncontour, et de la Saint-Barthélemy, avant de parler de la naissance de ce prince, de son éducation, et de la part qu’il eut à tous ces événements ; et il est encore plus étrange que l’auteur, en revenant sur ses pas, et en parlant de la Saint-Barthélemy, ne nomme aucun de ceux qui étaient alors auprès de Henri de Navarre, et qui se cachèrent jusque sous le lit de la princesse Marguerite sa femme. Il ne parle point de ceux qui furent égorgés entre ses bras. La réticence sur des faits si intéressants n’est point pardonnable.

Il est encore plus répréhensible de ne pas dire que Henri IV, étant gardé à vue après la Saint-Barthélemy, changea de religion. C’est un fait si important, et le nom de relaps qu’on lui donna

  1. Préface, page 6.
  2. « Ut mirandum sit… ære alieno omni exsoluto, cccc aureorum millia et quartam regni vectigalium partem nondum coactam in morte reliquisse. »
  3. Histoire de Henri IV, page 12.
  4. Pages 27 et 28.