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DE LA LECTURE

le premier médecin de Sa Hautesse[1], né dans un marais de l’Occident septentrional ; lequel médecin, ayant déjà tué quatre personnes augustes[2] de la famille ottomane, est intéressé plus que personne à prévenir toute introduction de connaissances dans le pays ; lui donnons pouvoir, par ces présentes, de faire saisir toute idée qui se présenterait par écrit ou de bouche aux portes de la ville, et nous amener ladite idée pieds et poings liés, pour lui être infligé par nous tel châtiment qu’il nous plaira.

Donné dans notre palais de la stupidité, le 7 de la lune de Muharem, l’an 1143 de l’hégire[3].


fin de l’horrible danger, etc.
  1. Van Swieten, premier médecin de l’impératrice-reine, voulut se mêler de la médecine des âmes, et se fit donner l’emploi d’empêcher les bons livres français de pénétrer dans la ville de Vienne. Personne n’eût pu prévoir alors que Vienne donnerait, vingt ans après, à l’Europe catholique, l’exemple de la tolérance, de la liberté de la presse, de la destruction des abus de l’autorité ecclésiastique, enfin de la réforme du clergé.

    Les ouvrages de M. de Voltaire étaient le principal objet de la sévérité de Van Swieten, qui haïssait l’inoculation encore plus que la philosophie. Cependant plusieurs personnes de la famille impériale étant mortes entre ses mains de la petite vérole, il ne put empêcher que l’inoculation ne s’introduisît sous ses yeux dans le palais de Vienne, ainsi que les lumières qui ont produit une si étonnante révolution. (K.) — Van Swieten (Gérard) était né à Leyde le 7 mai 1700, et mourut le 18 juin 1772. Voltaire lui a consacré quelques vers peu flatteurs, en 1771, dans son Épître au roi de Danemark : voyez tome X. Le souverain dont les éditeurs de Kehl parlent avec éloge dans leur note est Joseph II.

  2. Ces quatre personnes augustes sont : Charles-Joseph-Emmanuel, fils de l’empereur Étienne-François, né en 1745, mort le 18 janvier 1761 ; Jeanne-Gabrielle-Joséphine ou Marie-Jeanne-Gabrielle, née en 1750, morte le 23 décembre 1762 ; Marie-Christine, née et morte le 22 novembre 1763 ; et Marie-Élisabeth de Parme, femme du prince impérial, depuis Joseph II, morte de la petite vérole le 27 novembre 1763. (B.)
  3. Correspondant au 23 juillet 1730.
25. — Mélanges. IV.
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