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304 DOUTES SUR LE TESTAMENT

juges des ouvrages, s'égayaient aux dépens de Lamotte; le prince de Vendôme et le chevalier de Bouillon enchérissaient sur eux tous; on accahlait le pauvre auteur; je leur dis : « Messieurs, vous avez tous raison; vous jugez en connaissance de cause: quelle différence du style de Lamotte à celui de La Fontaine ! Avez- vous vu la dernière édition des Fables de La Fontaine? — Non, di- rent-ils. — Quoi ! vous ne connaissez pas cette helle fahle qu'on a retrouvée parmi les papiers de M""' la duchesse de Bouillon? » Je leur récitai la fahle ; ils la trouvaient charmante, ils s'exta- siaient, « Voilà du La Fontaine, disaient-ils ; c'est la nature pure; quehe naïveté ! quelle grâce! — Messieurs, leur dis-je, la fahle est de Lamotte ; » alors ils me la firent répéter, et la trouvèrent dé- testable.

J'ai été souvent à portée de conter cette histoire à propos ; et je crois que c'est ici sa véritable place.

Vous pensez, monsieur, justifier les bévues du ministère par les miennes; vous feignez de croire que le cardinal de Richelieu a pu prendre le pape Benoit XI pour le pape Jean XXII, parce que mon imprimeur ahemand a mis dans V Essai sur les Mœurs, etc., là Sardaigne pour la Cerdagne. Vous concluez de ce que j'ai dit des sottises que le cardinal de Richelieu a pu aussi en dire. Le cas est bien différent. Il n'est pas permis à un ministre de se tromper quand il donne des leçons à son maître. Je ne donne de leçons à personne; je suis fait pour en recevoir: c'est à moi qu'il est permis de se tromper ; et c'est à vous de me redresser.

Aussi vous me reprochez, pour justifier le cardinal de Riche- lieu, ou plutôt Bourzeis et Dageant, vous me reprochez, dis-je, que j'ai dit dans VEssai sur les Mœurs, etc., que Constance de Naples était fille de Guillaume II. Non, monsieur, je ne l'ai point dit ; l'édition que j'ai sous mes yeux, imprimée à Genève en 1761, porte au tome II, page 12 : « Il ne restait de la race légi- time des conquérants normands que Constance, fille du roi Roger', premier du nom. » Si on a mis Victor II pour Victor IV, ce n'est pas ma faute, et cela ne prouve rien pour le testament du cardinal. Je ne sais pas de quelle édition vous vous êtes servi. Si je pouvais encore avoir quelque amour-propre dans ma vieillesse, en connaissant, comme je fais, le néant de la plupart des livres, et surtout des miens, je pourrais me plaindre de la manière dont on défigure à Paris tous mes ouvrages, jusque-là que plusieurs de mes tragédies sont remphes de vers qui ne sont

1, Voyez tome XI, page 408.

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