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DU CARDINAL DE RICHELIEU. 301

son esprit aux grandes choses importantes à son État, et de mé- priser les petites. »

Voilà précisément le défaut dans lequel on fait tomber le car- dinal ; rien n'était plus important que l'éducation du dauphin : quel gouverneur lui donnera-t-on ? qui mettra-t-on auprès de sa personne? Il n'en est pas dit un mot dans le testament ; et cepen- dant la Narration succincte ne peut être que du mois d'août 16/il, trois ans après la naissance du dauphin. Ainsi, dans cette longue déclamation adressée à Louis XIII, dans ces conseils donnés à à son souverain d'un ton de maître, il n'est question ni de l'hé- ritier de la couronne, ni des grands intérêts du roi, ni de ceux du royaume.

QUESTION INTÉRESSANTE.

Souffrez que je vous i)ropose un de mes doutes, qui me paraît mériter l'attention du public.

Je ne sais s'il est bien vraisemblable qu'un grand ministre ait conseillé de perpétuer l'abus de la vénalité des charges * ; la France est le seul pays souillé de cet opprobre.

Je ne sais s'il est bien vrai que ce qu'on appelle a basse nais- sance produit rarement les qualités nécessaires à un magistrat, et que de deux personnes dont le mérite est égal, celle qui est plus aisée en ses affaires est préférable à l'autre ». Le testament ajoute : « Il est certain qu'il faut qu'un pauvre magistrat ait l'âme d'une trempe bien forte, si elle ne se laisse amollir quel- quefois par la considération de ses intérêts ».

Le cardinal pouvait-il penser ainsi, lui qui avait vu les magis- trats les plus pauvres du parlement, Barillon, Sallo, Laine, Bitaut, et le père de Scarron -, résister à sa violence avec le plus de cou- rage?

Peut-être les hommes d'une fortune médiocre sont en tout pays les meilleurs citoyens, puisqu'ils sont au-dessus d'une extrême pauvreté, qui peut conduire à des bassesses, et au-dessous de la grande opulence, qui nourrit presque toujours l'ambition.

A l'égard de ce qu'il appelle basse naissance, les avocats, dont on tire les magistrats dans tout le reste de l'Europe, sont tous des citoyens de familles honnêtes, et précisément dans cet état également éloigné de la misère et de la fortune, état convenable à l'intégrité de la magistrature ; tous ont reçu une bonne édu-

1. Voltaire revient sans cesse sur l'abus de la vénalité des charges.

2. Voyez tome XVI, pages 34, 37.

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