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278 DOUTES SUR LE TESTAMENT

« Mon illustre adversaire emploie toute la sagacité de son esprit à prouver que ce Testament polilique, attribué ciu canVimû de Richelieu, est en effet de ce grand ministre. On voit ( ce qui est assez commun) qu'il tâche de croire, et qu'il doute. Il a trop d'esprit et trop de raison pour ne pas apercevoir les contradic- tions, les erreurs, les anachronismes dont ce livre est rempli : il sait sans doute mieux que moi que les grands hommes ne di- sent jamais d'inepties. Voilà pourquoi il avoue, après s'être tourné de tous les côtés, que le cardinal de Richelieu n'a dicté ni écrit tout l'ouvrage, et qu'il en a confié la rédaction à des ouvriers suhalternes. Je n'en veux pas davantage. Avouer qu'un testament politique, destiné par un premier ministre à un roi, un ouvrage qui devait être si secret, est cependant de plusieurs mains, c'est avouer qu'il n'est pas du premier ministre.

« Si j'avais l'honneur d'entretenir ce sage adversaire qui sait douter, je lui dirais : Avouez qu'au fond vous ne croyez pas qu'il y ait un mot du cardinal dans ce testament ; pensez-vous de bonne foi que le chevalier Walpole se fût avisé d'écrire un catéchisme de politique pour le roi George 1" ? L'idée seule vous en paraît ridicule. Examinez la situation où était le cardinal de Richcheu avec Louis XIII, et vous conviendrez peut-être que la seule pen- sée de faire un pareil livre pour l'usage de ce monarque était cent fois plus déplacée.

« Songez que Louis XIII, toujours malade, était menacé d'une mort prochaine ; songez que le cardinal de Richelieu pensait à faire exclure de la régence le frère unique du roi ; songez au ca- ractère d'un ambitieux, et voyez s'il est dans son cœur de s'oc- cuper de principes d'éducation, de parler des vitres de la Sainte- Chapelle de Paris, des trois sentences requises pour punir les clercs; d'intituler un chapitre Du règne de Z>ieM, de recommander la chasteté, et à qui ? à un monarque infirme, âgé de quarante ans, auquel on espère survivre : car, en 1639, et au commence- ment de 1640, le cardinal de Richelieu se portait bien encore, et vous savez jusqu'où il poussa ses espérances.

« Je ne veux que cette seule raison. Le Testament fût-il aussi bien fait qu'il l'est mal; fût-il en effet (ce qu'il n'est point du tout) un vrai testament politique ; fût-il un développement sage et pro- fond de la conduite que Louis XIII devait tenir avec toutes les puissances de l'Europe, avec ses alliés et ses ennemis, dans la crise la plus violente, avec sa femme, avec son frère, avec les princes de son sang, et ses généraux, et ses ministres ; en un mot, l'ouvrage fût-il digne du cardinal de Richelieu, j'oserais

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