PAR ANTOINE VADÉ. 243
le reste de ses fables, cet homme unique eût été moins négligé, qu'il eût parlé plus purement cette langue qu'il a rendue si fami- lière aux peuples voisins ; que son style eût été plus châtié, plus précis ; qu'en surpassant de hien loin Phèdre en délicatesse, il l'eût égalé dans la pureté de l'élocution. Je suis fâché de le voir débuter par une petite dédicace à un prince, dans laquelle il lui dit:
Et si de t'agréer je n'emporte le prix,
J'aurai du moins l'iionneur de l'avoir entrepris.
Voilà un plaisant honneur, d'entreprendre d'agréer; et qu'est-ce que le prix d'agréer? Phèdre ne parle point ainsi. Phèdre ne fait point dire à la fourmi :
Ni mon grenier, ni mon armoire Ne se remplit à babiller...
Le renard, chez Phèdre, dit :
Ils sont trop verts...
et il n'ajoute point :
Et bons pour des goujats.
Je suis affligé quand je vois :
La cigale ajant chanté Tout l'été,
à qui la fourmi dit :
Vous chantiez! j'en suis fort aise. Eh bien! dansez maintenant.
Le loup peut dire au chien d'attache qu'il ne voudrait pas de ses bons repas au prix de sa liberté ; mais ce loup me fait de la peine quand il ajoute :
Je ne voudrais pas même à ce prix un trésor : Cela dit, maître loup s'enfuit et court encor.
Un loup n'a jamais désiré l'or et l'argent.
L'homme qui souffle dans ses doigts parce qu'il a froid, et
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